Deux opinions :

                   
  
Leila Shahid déléguée générale de Palestine en France
      La frontière entre les enfants, ne passe pas par l'origine mais par la capacité à "voir"  l'autre.

      Le film de Justine Shapiro, B.Z. Goldberg et Carlos Bolado, "Promesses", sort au meilleur moment aujourd'hui pour rappeler à tous ceux qui s'intéressent à la question israélo-palestinienne que l'enjeu de ce conflit est bien l'avenir de deux peuples sur cette terre, mais aussi de tous les peuples sur notre terre. Nul ne pouvait l'exprimer mieux que les enfants, israéliens et palestiniens, face à la camera complice, tendre, émue, révoltée de Yoram Milo et Ilan Buchbinder et l'encouragement pressant à la parole de B.Z. Goldberg qui sonde leurs convictions mais aussi leurs doutes, leurs questionnements et leur vérité absolue.

         Laïcs ou religieux, extrémistes ou modérés, la parole de ces enfants établit la frontière entre eux, non dans leurs origines nationales respectives, mais dans leur capacité de "voir" l'Autre, de l'intégrer dans leur vision d'avenir, dans l'espace du pays qui les réunit et qui les sépare.
         Le film ne tente à aucun moment de simplifier les choses, au contraire, il nous  restitue la complexité et la difficulté pour ces enfants de sortir du ghetto-cocon-tribu dans lequel ils vivent malgré eux.
         En verbalisant leur perception de l'Autre, ils participent à construire sa réalité, quelquefois en tant qu'ennemi qui n'a pas droit "de cite", à d'autres moments en tant que voisin avec qui il faudra apprendre à vivre. Mais le film ne s'arrête pas la. Il ne se contente pas de témoigner, il tente aussi d'agir dans ce que l'on devine être la conviction profonde des auteurs, celle de la nécessite de faire un pas vers l'Autre. Ce n'est pas facile ni simple, et le film n'essaie pas de l'occulter. Le poids du monde des adultes, de la culture, de la religion, du choix idéologique des parents, de l'éducation vécue à la maison et dans le milieu social pèsent lourd.

        Aucune illusion n'est faussement entretenue sur la rencontre possible ou impossible. Même lorsqu'elle a lieu entre Yarko et Daniel, les jumeaux israéliens, et Faraj et Sanabel, les réfugiés palestiniens, elle reste limitée dans le temps et l'espace. Elle ne peut transgresser tous les tabous, les obstacles du monde des adultes. Mais c'est un pas de fait vers l'autre, un précèdent qui montre que c'est possible si on le veut vraiment, et surtout, c'est une lueur d'espoir pour l'avenir.

     En ce sens, "Promesses" n'est pas seulement un film sur les israéliens et palestiniens mais sur tous ceux que séparent la méfiance et la peur, le racisme et l'ethnocentrisme, la déshumanisation de l'autre et sa diabolisation, la souffrance et la douleur perçues comme une expérience unique à soi. En ce sens, "Promesses" porte un message universel dans lequel se reconnaîtront beaucoup d'enfants piégés par les guerres, mais aussi par le rejet et l'exclusion de l'Autre, de Jérusalem à Gaza, des banlieues de Marseille à celles de Paris. Je souhaite profondément que ces paroles israéliennes et palestiniennes d'enfants de la-bas trouvent leur écho aussi ici.
Gaza, le 18 mars 2002


  
Elie Barnavi, ambassadeur d'Israël en France

     L'ignorance crée les peurs et les préjugés qui provoquent les guerres. La connaissance transforme Faraj de futur terroriste, en futur ami....

   Au début du film, un pneu en flammes roule interminablement. Vers la fin, la même image dit l'exaspérante routine d'un conflit dont on ne voit pas la fin. Mais entre les deux, un petit miracle s'est produit : la rencontre improbable et pourtant incroyablement naturelle d'enfants israéliens et palestiniens. Ces sept gosses, que la camera suit avec un respect et une tendresse infinie, vivent dans un mouchoir de poche, mais les obstacles qui les empêchent de se rencontrer sont plus infranchissables que l'océan : la guerre que se font leurs parents, les peurs et les préjugés sans lesquels il n'y aurait pas de guerres, l'ignorance sans laquelle il n'y aurait ni peur ni préjugés. Le réalisateur réussit à mettre quelques-uns de ces gamins ensemble, la curiosité naturelle des enfants et le foot feront le reste. Une amitié naît, timide, mais qui ne demande qu'à s'épanouir. Et l'on s'aperçoit que les horreurs qu'on a entendues dans leur bouche tout au long du film étaient des horreurs d'emprunt.

      C'est Faraj, qui a exprimé son désir de tuer de l'Israélien et qui s'est montre le plus réticent à en rencontrer, qui se montrera le plus acharne à maintenir le contact. En attendant, chez lui, dans sa bicoque du camp de Deheishe, en présence de ses nouveaux amis, il pleure amèrement à l'idée que le départ proche du cinéaste-passeur brisera l'amitié naissante avec Yarko et Daniel, ses deux potes israéliens. Et le spectateur, la gorge nouée, se met à espérer, absurdement, qu'il n'en sera rien.

        Il sait pourtant que, depuis, la révolte palestinienne s'est rallumée et que la spirale de violence a repris, plus folle que jamais. Mais il sait aussi qu'il aurait tort de donner dans le cynisme. Car ce film merveilleux, sans doute le meilleur qu'il m'ait été donne de voir sur le conflit israélo-palestinien, est aussi une formidable leçon d'espoir. David Grossman a raison, les prochaines négociations de paix devraient débuter par une projection de "Promesses".
Paris, mars 2002


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