Et si le christianisme retrouvait ses racines ? 

      Cette hypothèse serait très perturbente, cette proximité retrouvée poserait à notre communauté un problème existentiel que tous ne seraient pas en état d'affronter. Voici quelques réflexions datant déjà de l'an 2000 mais toujours d'actualité.
       

  Je travaille en ce moment Place de Catalogne juste derrière la gare Montparnasse, cette place toute ronde, d’architecture homogène a été conçue vers la fin du XXème siècle. 

        Les façades et les colonnes donnent parfaitement l’illusion d’ancienneté classique, mais derrière la façade, il y a des immeubles en verre et en acier. Au centre de la place, une grande fontaine réalisée par un artiste israélien est mouillée épisodiquement, lorsque les édiles nous déclarent en état de canicule.

  Régulièrement, mes collègues et moi-même sommes invités à quitter précipitamment les lieux, non pour laisser la place aux cambrioleurs, mais pour un exercice d’évacuation d’incendie. Alors, en tempêtant plus ou moins, on abandonne tout, et on se retrouve dans la rue, côtoyant des collègues qu’on n’a pas vu depuis longtemps, tant les étages sont imperméables entre eux.   
    Lors du dernier exercice, un ami m’a suggéré de jouer les touristes au lieu de se geler les appendices, car il faisait très froid. Il s’est même proposé comme guide et m’a con-duit jusqu’à l’église Notre Dame du Travail. 

Ce monument date de la fin du XIXème  siècle.

   Il a été conçu par Gustave Eiffel, à l’intention des ouvriers affectés aux chantiers de l’exposition universelle de 1889. 

     L’extérieur est banal et sans beauté particulière, si bien qu’il ne m’était jamais venu à l’idée d’y pénétrer.

   Et pourtant  le monument est un chef d’œuvre de l’architecture métallique digne de la Tour Eiffel, en plus,  l’église abrite des statues très récentes de toute beauté.

L’exercice d’incendie m’a permis de faire une véritable découverte. 

 

  

    

     On peut y voir une statue géante en pierre : c’est une main entr’ouverte, au milieu de la quelle se réfugie une famille, symbole   de l’humanité dans la main du Créateur. La statue s'appelle  Adam et Eve, mais pourquoi ne pas y voir chacun d'entre nous ?  

 

     Ailleurs, on peut être surpris par l’apparition d’un Sefer Torah en bronze, sur lequel est écrit en hébreu : « Chema Israël ».

    Au-dessus du Sefer, en regardant vers le ciel, on voit un Jésus de bronze prêchant dans les airs. Cet ensemble symbolise à mes yeux la parole de Jésus sortant de la Thora. Je ne me rappelle pas avoir vu, ailleurs, dans une église un rappel aussi clair des origines juives du Christianisme.

    Paradoxalement, le curé de la paroisse ne semble pas avoir remarqué ceci, et pense plutôt à une coïncidence.  Il existe d'autres statues remarquables dans cette église, mais leur thème est plus traditonnel. 

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    Quelques jours plus tard, un samedi soir, Edith et moi-même avons rejoint nos enfants pour assister à un concert de ‘Hazanout organisée par le Beit Loubavitch et la communauté de Boulogne. Le lieu était bien choisi : l’auditorium municipal, au cœur d’un complexe culturel, avec un grand hall, dans lequel se tenait une petite exposition où l’on pouvait acheter notamment des chapeaux pour dames. Nous prenons nos places, (15 €) et nous nous dirigeons vers l’entrée. L’organisateur nous demande alors si nous avons une kippa, sinon, il est prêt à nous en fournir une gracieusement. 

Yoni Zerbib

      A sa grande surprise, j’étais équipé, alors il nous a guidés vers la salle. « Les hommes à gauche, les femmes à droite. », dit-il. Cela ne nous plaisait pas, car nous souhaitions passer une soirée en famille, et non chacun de son côté comme des âmes en peine. Nous sommes donc retournés à la caisse pour demander le remboursement. 

      La caissière du samedi soir, était l’épouse de l’organisateur. Gênée, elle nous proposa deux places de chaque côté de l’allée, si bien que nous aurions été séparés sans être loin l’un de l’autre. Devant mon refus, l’organisateur nous invita à visiter les lieux, pour voir si une place ne pourrait pas nous convenir. Nous entrons dans la salle, elle était superbe : il y avait une rangée très féminine à droite, une autre exclusivement masculine à gauche, et, au milieu, une rangée mixte, où se concentrait la majorité du public.   

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   C’est donc là que nous avons retrouvé nos enfants et leurs amis, et que nous nous sommes installés. L’ambiance était familiale, et très républicaine. L’exactitude étant la politesse des rois, il ne doit pas y avoir beaucoup de rois à Boulogne. La petite heure de retard a été facilement supportée, car nous étions en bonne compagnie. Nous étions près de cinq cents personnes dans une salle en contenant six cents. Idéal pour chauffer l’ambiance !   

      Enfin, le rabbin Goldmann inaugura la séance en nous parlant de sa satisfaction de voir autant de femmes à ce spectacle ! l'habitude des loubavitch de cacher  les femmes,  explique la satisfaction du rabbin de les voir si nombreux ! je peux dire cela, car aujourd'hui c'est la journée de la femme, même si cet article, toujours d'actualité a été rédigé il y déjà un certain temps. 

   Il laissa la place au rabbin Eliahou Touitou, nouveau nom pour désigner Philippe Touitou, rabbin de Boulogne et neveu de Joseph Touitou qui a été rabbin à Dijon il y a trente ans.

  

    Il est de plus en plus fréquent chez les gens religieux d'appeler leurs enfants par des noms à consonance hébraïque, voir à hébraïser son propre prénom. 

Eliahou-Philippe  Touitou

      Eliahou, chaudement accueilli à son entrée en scène, nous a parlé du rôle fondamental des femmes dans le Judaïsme, puis nous a interprété avec beaucoup de brio un air presque classique. L ‘orchestre klezmer de Jo seph Brami nous a séduits : il met l’ambiance, paraît-il, de tous les mariages Loubavitch…  Puis nous avons vu réapparaître le rabbin Golmann, qui nous fait un petit discours sur la place de la femme dans notre religion, avant de céder la sienne à Yoni Zerbib, chanteur ‘Hassidique, et à Amit Listvand. 

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 Le premier chanteur avait la trentaine et une barbe, le second à peine quinze ans et des païess, le premier était français, et le second "baruch yechiva" (élève d'une école talmudique)  et israélien. Ils avaient des voix superbes. Le ravissement aurait pu être total si les enfants avaient pu tenir en place, si les adultes étaient restés tranquillement sur leur chaise, et si le rabbin Goldmann n’avait pas jugé utile de séparer chaque sé-quence de chant par un dis-cours sur les mérites des femmes (juives, bien sûr !).

    Certains disent : « Le travail est sacré » ; ils n’y touchent pas… D’autres pensent probablement la même chose des dames, mais ils réussissent néanmoins à avoir des enfants qui perturbent les spectacles… 

 A la sortie, le stand de chapeaux avait disparu et était remplacé par un stand de livres. On vendait une toute nouvelle édition du Pentateuque avec Rachi, et traduction phrase par phrase ; j’avais d’ailleurs aperçu ce même livre, le matin même, lors d’un cours organisé ,avant l’office, par une communauté libérale. Mais on pouvait aussi acheter des cassettes et CD des ar-tistes…

 

         Le lendemain, nous étions à une synagogue du Mouvement Juif Libéral de France, 11 rue Gaston de caillavet, pour écouter Voices, chœur inter-national dirigé par Bonnie-Wooley. Dès notre arrivée, les organisateurs me demandent si j’ai une kippa, sinon, ils sont prêt à m’en prêter une, puis sommes directement derrière Félix, l’heureux président. satisfaits de voir que nous avons payé le droit d’entrée (13 €), ils nous laissent nous asseoir à notre guise ; nous Le chœur, composé d’une cinquantaine de choristes, aux deux tiers féminins, ne tenait pas sur la téba, (Estrade où se tient ceux qui conduisent la prière)  la Schule (Synagogue en judéo-Alsacien et en Yddish) était archi comble : environ 300 personnes, plus une harpe, une batterie et un harmonium. Le chef de chœur, qui parlait français, commença par nous expliquer la différence entre spirituals et gospels. Félix lui répondit en américain, et le public passablement anglophone, réagit à ses traits d’humour.      Puis ce fut le silence, la chef d’orchestre donna le « la » (un vrai), et on entendit Little David, play on your harp. Mais, contrairement à ce que les chanteurs affirmaient, la harpe restait muette.

    Il y avait quelques enfants, en particulier les fils du rabbin, et l’ambiance était celle d’une salle de spectacle classique. Toute la salle a chanté avec le chœur un air en zoulou, puis Josué et les trompettes de Jéricho ont précédé les Psaumes de Chichester chan-tés en hébreu. Nous en connaissions la plu-part des paroles mais la musique était résolument contemporaine. 

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    C’était la première fois que la chorale les chantait, elle était tout heureuse de se produire dans une synagogue, car ils sont destinés à être chantés dans des églises. 

    Ici, nous rejoignons le début de cet article, l’hébreu fait son entrée dans le culte chrétien ! et la parole de Jésus sort de la Thora. Face à cette nouvelle attitude que beaucoup d’entre vous ont pu re-marquer dans d’autres circonstances, on constate un repli identitaire dans une fraction importante du judaïsme religieux.

     Ce n’est pas par hasard, que Philippe se fait appeler Eliahou… Les chrétiens se rapprochent de leurs sources, et cet « amour » provoque des angoisses. Certains ont peur de s’ouvrir, de donner à ceux qui ont faim, car ils craignent de voir leur substance altérée par l’altérité. Pourtant, ne dit-on pas : « En ce jour là, D. sera Un et son nom sera Un » ?