Mivy décoiffe, car il est fait par un chauve

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Derière mise à jour 25-Fév-2024
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La synagogue de Dijon


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La synagogue de Dijon a été prévue avant la guerre de 1870, mais les événements ont retardé le projet. Aujourd'hui elle se dresse à deux pas de la place Wilson, et sert de lieux de rencontre à une communauté juive vieillissante et toujours dynamique

Depuis l'expulsion des juifs de France par Philippe le Bel, la florissante communauté juive de Dijon a disparue, on a retrouvé des pierres tombales anciennes datant du XII ième ou XIII ième siècle. Elles ont été trouvées au XIX ième siècles, notamment lors de la construction du théâtre sur les ruines de la Sainte Chapelle qui attenait au Palais des Ducs de Bourgogne. Ces stèles funéraires ont été réutilisées pour des constructions.  La plupart des fragments se trouvent dans les réserves du musée archéologique, et ne sont pas actuellement présentés au public. .

 

Toutefois ceux qui peuvent y pénétrer en trouveront de plus belles dans le mur de la cour de la maison située 7 rue Saumaise près de l'église Saint Michel où elles ont été incrustées à la fin du XIX ième siècle par un ancien conservateur du musée. Les résidents n'aiment pas les visiteurs inconnus. 

L'histoire de la communauté juive de Dijon a été étudiée, mais très peu de monde la connait. Plusieurs personnes s'y sont attelées, Mahir Charleville, rabbin de Dijon entre 1841 et 1857. Élu en 1843 président de la commission administrative de la communauté juive de la ville, il s’employa sans succès, à partir de 1851, à obtenir de la municipalité la création d’une véritable synagogue dans les bâtiments en construction (1853-1856) de l’aile du musée du Palais des États. Simultanément, il exerçait épisodiquement son ministère à Beaune et à Gray et, en 1846-1847, l’intérim du rabbinat de Paris, auquel il tentera alors vainement de se faire élire. Il mit à profit son séjour à Dijon pour procéder à un relevé des tombes juives de la ville et pour échanger avec le député de Saône-et-Loire  des informations sur l’histoire des juifs en Bourgogne. 

 

Le Rabbin Michel Aaron Gerson (1825-1900), a eu l'honneur de participer à l'inauguration  de la synagogue en 1879, il a écrit un livre « Essai sur les Juifs de la Bourgogne au Moyen Âge et principalement aux XIIe, XIIIe et XIVe siècles jusqu'à ce jour. Dijon, Berthoud, 1893, 68 pp. en un volume» .



       Plus tard, dans les années 1970-80, notre ancien président , marchand de laines de son état, a consacré sa retraite à fouiller bibliothèques et archives pour collecter des documents concernant l'histoire juive locale . Il écrit deux livres sur l'histoire du judaïsme dans la ville, qui portent essentiellement sur le moyen âge, ils sont épuisés, et lui même nous a quitté il y a quelques années. Nous le regrettons toujours. Nous avons appelé notre salle communautaire située dans la cour de la synagogue, Salle Henri Claude Bloch.

L'ancien  cimetière de Dijon se trouvait près du Jardin Darcy, la rue qui menait au cimetière s'appelait Rue de l'égalité, elle a conservé son nom. Le cimetière a été remplacé en 1885 par le cimetière des Préjoces où il y a un important quarré juif. C'est de cet ancien cimetière que viennent les pierres tombales qui ont été confiées à la communauté et soigneusement rangées derrière la synagogue où vous pouvez les voir.
Ici il s'agit de la tombe d'un rabbin Haïm Cartski qui était cohen et qui est mort sous Napoléon premier. Le malheureux s'est éteint au mois de Menah'em, c'est en fait le moi d'Ab, celui du jeune, du deuil de la destruction des deux temples, le 9 Av, et de la joie de la fête des mariages le 15 Av. Menah'em veut dire consolation.

 L'exode des juifs d'Alsace, contrairement à la légende patriotique a commencé bien avant le désastre de la guerre franco prussienne de 1870. J'avais de la famille d'origine alsacienne assiégée à Paris, et mon ancêtre Lévy bien qu'Alsacien est né à Bar le Duc en 1848. En 1869, les juifs de Dijon, quasiment tous alsaciens étaient trop à l'étroit dans les salles de la mairie qui leur avait été prêtées. Les efforts du Rabbin Mahir Charleville, depuis le milieu du XIX ième siècle, finirent par porter leurs fruits, et le 7 juin 1869, Monsieur Antoine Joliet, le maire de Dijon leur a accordé le terrain promis en 1865, Alfred Sirodot, architecte, avait proposé un projet en 1867, avec un budget de 60 000 Francs, la guerre de 1867 rend les plans caducs, et l'afflux des alsaciens après la guerre de 1870 a doublé le nombre de juifs. La nouvelle synagogue revient à 236 000 Francs !


Construction de la synagogue photo de la bibliothèque municipale prise sur "Le Bien Public
"

Date de l'inauguration de la synagogue

Devant l'autel, on trouve une plaque donnant en hébreu la date de l'inauguration. La même mosaïque, de l'autre côté de l'Autel par terre indique 23 éloul 5639.   Les mois hébraïques sont généralement le nom de dieux babyloniens. L'hébreu, ne connait pas le zéro, et les chiffres sont des lettres. Ainsi on écrit une date en en faisant un mot.

Souvent les suites de lettres qui forment une date ont un sens, mais hélas, ce n'est pas la cas ici. Réciproquement, en hébreu les mots ont une valeur numérique, et on peut trouver d'autres mots qui ont même valeur numérique, ce qui permet des rapprochements parfois intéressants, insolites, mystiques ou farfelus.

inauguration

Le rabbin Michel Aaron Gerson qui présida à l'inauguration était né à Durmenach, en Alsace, un véritable Schtetel , en 1791, les juifs représentaient 54 % de la population.  Il est enterré au cimetière municipal des Préjoces à Dijon, en dehors du carré israélite, et sa tombe aurait bien besoin d'être remise en état. Elle est située à côté de celle d'Edmond Kahn, un philanthrope dont on voit le nom sur le bâtiment à côté de la synagogue. Ce bâtiment servait de salle d'étude au rez-de-chaussée, et un logement réservé au gardien " Le Chamach" occupait le premier étage. La tombe d'Edmond Kahn, est imposante, et celle du rabbin très modeste.

Les Sirodot père et fils, Auguste et Alfred ont réparé et bâtijardin  de nombreuses églises et lavoirs à Dijon et dans les environs. Mais il la Synagogue est probablement son oeuvre maîtresse. L'architecte était franc maçon, et la décoration comporte de nombreux symboles que les frères reconnaîtront. Parmi les détails curieux, il y a les bouches d'aération en fonte, leur dessin évoque irrésistiblement des croix gammées !

La synagogue de style néo byzantin s'honore de vitraux qui ont été réalisés à Paris par M Eugène Stanislas Oudinot peintre verrier à Paris (1827-1889). Ancien élève de Georges Bontemps pour l’art du vitrail, Oudinot passe ensuite dans l’atelier de Delacroix pour apprendre la peinture. Il a réalisé de nombreux vitraux d'église, et bien sûr était totalement ignorant de la langue hébraïque. C'est d'ailleurs probablement lui qui a réalisé les vitraux de la Grande Synagogue de la rue de la Victoire dans le 9 ième arrondissement.

Les sculptures ont été réalisées par le sculpteur dijonnais Schanoski,et M Vêtu, Villeret, Truchet et Ralu Fiet ont réalisé la maçonnerie, la charpente et la serrurerie

Les tympans de la porte devaient être ornés de mosaïques vénitiennes de couleurs vives, sur fond d'or, malheureusement, la décoration ne fut jamais achevée.

Vitraux : Les cinq livres de Moïse

Beréchith la Genèse, "Au commencement", on lit Kerechit, le vitrier ne connaissait pas l'hébreu. Les symboles exprimant la genèse seraient franc-maçon?



Chemoth
les noms, ou l'Exode montre l'effondrement de l'obélisque et le Mont Sinaï tout incandescent.

Vaykra, ou le lévitique, a le pompon des erreurs hébraïque, heureusement qu'il y a l'illustration représentant le temple, car le texte hébreu est illisible.



Bamidbar, Dans le désert ou les nombres. Avec des tentes, et aussi une faute d'écriture !

D'varim, les paroles ou le Deutéronome. Symbolisé par un rouleau de la Thora surlequel est écrit : "H'azac ! soit fort", c'est par ce souhait que nous terminons la lecture de la Thora.



Kavod Ett : Honore.. (ton père et ta mère) Ce vitrail qui n'a pas de faute d'écriture, évoque les dix paroles. Il n'y a que cinq livres dans la Thora de Moïse.

Vitraux représentant les douze enfants de Jacob
 (voir ceux de Chagal à Jérusalem)

Les vitraux ont été réalisés par Eugène-Stanislas Oudinot, et restaurés par J.Weinling.

Asher,  D’Asher vient la graisse, sa nourriture et il en fait des gâteaux de rois. Berechit 49 : 20
Le symbole habituel d'Asher est l'olivier, car dans Debarim 33- 24 est écrit  : «Il baigne son pied dans l'huile»



Benjamin, habituellement représenté par un loup, ici on rappelle qu'Esther était de la tribu de Benjamin. On voit le rouleau ou Meguila Esther.

Dan jugera son peuple comme l'une des tribus d'Israël. Dan sera un serpent sur le chemin, un aspic sur le sentier, qui mord les jarrets du cheval et son cavalier tombe à la renverse.
Berechit 49:16



Gadsera assailli par des bandes armées, Mais il les assaillira et les poursuivra. Berechit 49-19

Issah'ar  : « 14 Issah’ar est un âne musculeux» donc,  il est fort.
Qui est fort ?   Celui qui étudie la Torah
Où étudie-t-on la Torah ?   Dans la tente comme Jacob...
 "Sois heureux, Zabulon, dans tes voyages, et toi, Issah'ar, dans tes tentes!  Dvarim 33-19 


Joseph  :   Joseph amené comme esclave en Égypte y est devenu vice-roi... on a représenté un pyramide, symbole de l'Égypte, mais construite des milliers d'années avant que Joseph n'y mette les pieds.

Juda : cet arbre est mystérieux, c'est en général la tribu d'Asher qui est représentée ainsi. Est-ce un symbole de la souche de Jessé, la famille de David ?
En fait il s'agit d'une inversion des symbole, pour Juda, il y a la couronne royale qu'on a mis induement à Naphtali


Lévy : «Or, le lendemain, Moïse entra dans la tente de rendez vous, et voici qu'avait fleurie la verge d'Aaron, déposée par la famille des Lévy, il y avait des boutons, des éclos desfleurs, muri des amandes» Bamidbar 17-20

Nephtali : je reste perplexe devant la couronne de Juda pour symboliser Naphtali, généralement représentée par une gazelle ou un cerf.
Dans la septente on peut lire " Nephtali est comme un arbre qui pousse des branches nouvelles,"
Il y a donc bien inversion des vitraux de Juda et de Naphtali


Rubenétant allé au champ à l'époque dela récolte du froment, y trouva des mandragores et les apporta à Léa, sa mère. Berechit 30-14 .
Ce sont surtout les racines de mandragore, qui sont réputées magiques, car elles ont une forme parfois humaine.
Siméon et Lévy, digne couple de frères, leurs armes sont des instruments de violence ! Ne t'associe pas à leur desseins, ô mon âme ! mon honneur ne soit pas complice de leur alliance Berechit, 49-5


Zébulon occupera le littoral des mers, il offrira des ports aux vaisseaux, et sa plage atteindra Sidon. Berechit 49 13
"Sois heureux, Zabulon, dans tes voyages, et toi, Issah'ar, dans tes tentes!  Dvarim 33-19 
On remarquera la proximité entre les vitraux de Dijon et ceux de la Grande Synagogue de Paris, rue de la Victoire. C'est probablement le même artiste qui les a réalisé. (Lévy, Siméon et Ruben )

Les fidèles font face à l'armoire où sont entreposés les rouleaux de la torah. L'armoire est couverte d'une tapisserie en velours rouge et brodé en fil doré. Tous les objets de décoration en bronze ou en métal doré ont été offert par des généreux donateurs, souvent en mémoire de leurs proches disparus.

tebah

Hélas, qui se souvient d'eux et de leurs parents aujourd'hui ? plus personne ici, car on ne trouve plus à Dijon de descendants de ces familles. Mais, moi, je connais le nom de Sylvain Hirsh. Je sais que ses enfants ont fait un cadeau de prestige à notre synagogue et je les en remercie.    Au fond de la photo, vous voyez l'armoire où sont rangés les parchemins, les cinq livres de Moïse écrits à la main avec des plumes d'oie. Au dessus, brille une lumière, qui ne doit jamais s'éteindre, comme l'étude de la Torah.

Les visiteurs sont toujours étonnés de voir un grand chandelier à neuf branches, alors que le temple de Jérusalem s'ornait d'un autre à sept branches seulement.
Ce chandelier est une Hanoukiah, elle a été conçue pour commémorer la fête de Hanoucah, qui à lieu généralement aux environ de Noël, fête où on allume des lumières...



..

 

Si le visteur regardait à ses pieds, il trouverait étrange ce soupirail. C'est par là que la chaleur arrive, jadis depuis des chaudières au charbon, et aujourd'hui au gaz. La chaleur vient-elle de l'enfer ?
On pourrait le croire, car les dessins sont un entrelacement de croix gammées à l'endroit et à l'envers... en fait, c'est un motif de décoration classique grec, et le soupirail est bien plus ancien que le nazisme.

Mais s'il regardait en haut, il verrait une très jolie rosace

 En 1940 Monsieur Paul Bur a été nommé à la fonction de maire, sans en avoir officiellementa le titre. Président de la chambre de commerce, il a été nommé à la tête de la commune, le maire Robert Jardillier, socialiste, avait évacué Dijon devant l'avance allemande.
      Classé à droite, il était entouré d'une équipe restreinte donc faisait partie le Chanoine Félix Kir avec qui il s'entendait très bien.
 Il était un homme de bien et avait tenu tête dignement et fièrement aux autorités allemandes, il a fini par envoyer sa lettre de démission au ministre de l'Intérieur en mai 1942, n'acceptant plus de diriger « une ville où l'on fusille chaque matin des Français. » Il a été remplacé par Maurice Bernard. Il est décédé en 1957 à Dijon.

Il avait protégé la synagogue en rangeant au musée tous les objets de culte, et avait utilisé le bâtiment comme réserve municipale. Ainsi lorsque les allemands voulurent détruire la synagogue, il pris prétexte des besoins municipaux pour la protéger.

Malheureusement, il n'a pas pu protéger les hommes, et de nombreuses familles ont été exterminées, deux plaques signalent le nom des juifs de Dijon conduits à la mort par le régime nazi et ses alliés, une autre plaque se trouve à la gare d'où sont partis les convois

A la libération, le chanoine Kir est devenu maire de la ville, et a scrupuleusement tout rendu à notre communauté.

Sur les murs, on a mis des plaques pour honorer les bienfaiteurs de la communauté, ceux qui ont permis l'élévation du monument, et ceux qui ont fait que notre synagogue tienne encore debout malgré les outrages du temps,

plaque

Avant de finir cette visite virtuelle, un dernier hommage à ceux qui portaient des chapeaux haut de forme, et qui ont réussi à doter Dijon d'une synagogue monumentale.

Puisse-t-elle continuer à jouer son rôle d'animation, d'étude, et de prière

Michel Lévy