Mivy décoiffe, car il est fait par un chauve

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Derière mise à jour 25-Fév-2024
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Fin de vie à l'hôpital

Le passage de la vie à la mort est un saut dans l'inconnu, qui, la plupart du temps aujourd'hui se fait en compagnie du seul personnel soignant. Afin d'aider les futurs infirmiers spécialisés en soins palliatifs, dans cette tâche d'accompagnateur si redoutable, des responsables de formation ont organisé pour eux, une table ronde réunissant des représentants de divers spiritualités, et j'ai eu l'honneur de représenter le judaisme.
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Tous les ans, l'école d'infirmières rattachée au Centre Hospitalier Universitaire Régional de Dijon organise une formation à l'attention des élèves infirmiers spécialisés en soins palliatifs. Il s'agit d'une table ronde, ou six et sept personnes représentant divers spiritualités parlent chacune environ dix minutes, et exposent des points de vue, généralement complémentaires sur l'attitude des divers religions face à notre mort commune. Je représente le judaïsme, au côté d'autres personnes ayant souvent des profils assez différents du mien. Il y a souvent des aumôniers, des prêtres, ou de simples fidèles et beaucoup de convergences.

Les exposés des années précédentes n'étaient pas toujours bien centrés sur les besoins du personnel soignant, et les organisateurs tâchent de mieux cadrer les orateurs sur l'essentiel. Cette année, ils ont réuni des élèves, et ont collationné leurs questions qui ont été remises à tous les animateurs.  Je vous les transmets dans l'ordre où elles me sont parvenues. Je les ai regroupées en cinq catégories. 

Les questions :

1) L'attitude des mourants

Les personnes en fin de vie que j'ai rencontré ont conscience d'entrer dans l'inconnu, quand la mort immédiate est une surprise, il y a des réaction de colère, d'insurrection face à l'inéluctable, quand elle est attendue et acceptée, la personne se pose, et pose à son entourage des questions auxquelles personne n'a de véritable réponse. Souvent, le malade est trop affaibli pour s'exprimer. Ayant une petite expérience je ne m'étendrai pas sur ce point

2)  Rôle de l'aumônier

Il n'existe plus de prêtres juifs depuis la destruction du temple en l'an 70 il n'existe donc pas de sacrement de fin de vie, accompagner un mourant est un devoir religieux pour les proches. La présence d'un fils, d'un conjoint d'un parent ou d'un ami qui peut être rabbin ou non est souhaitée mais non indispensable pour le salut de l'âme.

Je ne suis pas aumônier, j'ai été en contacte avec des proches en fin de vie, car j'ai bientôt 80 ans, et à mon âge la mort rode trop souvent. Toutefois mon expérience d'accompagnateur de personne en fin de vie est trop limitée pour me permettre d'en parler sérieusement.

Faut-il accompagner une personne non juive ?  oui sans hésiter, nous avons l'exemple du Grand Rabbin Abraham Bloch, mort à l'ennemi en 1914, alors que muni d'une croix il accompagnait un soldat catholique mortellement blessé.

3) L'éthique Juive face à la vie et à la mort

La vie est sacrée, et pour sauver une vie, y compris la sienne toutes les obligations de la torah tombent sauf l'assassinat, les crimes sexuels, et l'idolâtrie.

En conséquence, le don d'organe serait interdit si on avait assassiné le donneur. Par exemple, on ne saurait recevoir un organe venant de Chine actuellement vu les horreurs qui s'y déroulent. Par contre des dons venus des pays «occidentaux» respectant l'éthique sont admis.

Toutefois, il y a eu une difficulté, il faut s'assurer que le donneur est bien mort au moment du prélèvement, or la tradition considérait que l'arrêt définitif cardiaque était indispensable pour déclarer une personne morte. Ceci aurait rendu les transplantations cardiaques illégales. Les rabbins ont admis que si le cerveau était vraiment mort, la personne l'était aussi et ont autorisé au XX ième siècle les transplantations cardiaques en Israël.  (Ecouter sur Akadem, ou lire le résumé sur le don d'organe)

Un cadavres est impure et sacré, pour cela il n'entre pas dans une synagogue, et on a pas le droit de le toucher, ni de le déplacer après ses funérailles. Donc en principe un prélévement d'organe est une profanation de cadavre, donc interdit. Or pour sauver une vie, toutes les interdictions de la torah tombent, donc c'est autorisé sous condition que le prélèvement soit effectivement affecté à sauver un malade, et comme Delphine Horvilleur l'a si bien dit, les rabbins ont toujours su tordre les textes pour ne pas tordre les gens. En rendant la vue par un prélèvement de cornée, on sauve la mise à une personne qui aurait pu être aveugle, et on l'accepte.

L'Euthanasie est considérée comme un assassinat ou un suicide, et par principe est interdite dans le judaïsme, toutefois dès l'époque talmudique, on avait condamné l'acharnement thérapeutique. (Voir le journal de Daniel Fahri ).  Donc les rabbins voient d'un bon œil les soins palliatifs, les sédations profondes qui évitent la douleur, mais n'apprécient pas qu'on débranche des appareils respiratoires aussi longtemps que la vie est présente.

La mort fait partie de la vie, le mot «vérité» en hébreu se dit «Émèth»  É s'écrit avec la lettre Aleph, un h muet) première lettre de l'alphabet (cf. Alpha grec)  et qu'est-ce qui est Un ?   c'est notre créateur.  Mèth veut dire mort (on retrouve en arabe El Sheikh math... échec et mat  le roi est mort)    Les morts connaissent la vérité, celle de Dieu.
       Il n'existe pas d'au delà dans le judaïsme, mais on parle du monde qui vient, et nous y allons tous.  Le talmud dit qu'un méchant est considéré comme mort, et qu'un juste reste vivant, même mort, pour cela dans la prière quotidienne, nous remercions D ieu qui ressuscite les morts.  

Nous ignorons la vérité, car nous ne connaissons pas Dieu, ni ses intentions, si nous le savions, nous pourrions expliquer le mal, la souffrance du juste. Le judaïsme ignore l'enfer, la destruction attend les méchants, on a parlé dans la bible de Shéol, dans un sens ambigu, purgatoire ?  tombeau ?   et ce mot évoque Shoël question. La réponse est Émeth, Dieu la mort, la Vérité. Lorsque nous apprenons une mauvaise nouvelle, nous disons "Barouh' Dayan Ha Émeth"  Bénit soit Le juge de la vérité ou Il est source de bienfaits, celui qui juge en vérité.  

Alors, nous ne nous concentrons non pas sur Léolam Haba  le monde qui vient, mais sur Léolam Azé, ce monde ci, et nous devons en faire un petit paradis qui un jour rejoindra peut-être le "leolam Abaa".  A ceux qui nous précèdent et qui vont rejoindre ce monde de la connaissance, nous leur demandons de mettre de l'ordre dans leurs affaire, de nous pardonner les fautes que nous avons pu commettre à leur égard, et que leur souvernir soit une bénédiction pour ceux qui restent.

Coutumes et rites autour de la mort à l'hôpital

Profession de foi des mourants
Trois fois :
* Adonaï melekh, Adonaï malakh, Adonaï yimlokh le'olam vaèd 
(Le Seigneur règne, Il a régné, Il régnera à jamais)
* Baroukh shem kevod Malkhouto lèolam vaèd 
(Béni soit le nom de Son Règne glorieux, à jamais)
* Sept fois : Adonaï Hou HaElohim 
(C'est le Seigneur qui est le Dieu) * Enfin, Shema Israël, Adonaï Elohenou, Adonaï E'had 
(Ecoute Israël, le Seigneur Est notre Dieu, le Seigneur Est Un)
Quand une personne est au plus mal, notre tradition veut que des proches viennent lui tenir compagnie, tentent de la calmer, de lui manifester son amour, de l'écouter si le mourrant peut encore parler, et les personnes présentes psalmodient des psaumes.

Hommes ou femmes ont droit au même respect et au même hommage.
On ne doit rien faire pour hâter la mort, ce serait un crime, la personne est vivante jusqu'à son dernier souffle.

Au dernier moment, l'entourage, et si possible le mourant récitent la profession de foi, on ferme les yeux du mort, on l'allonge, les bras le long du corps, et on le recouvre entièrement.
Le visage des défunts est toujours caché dans la tradition juive, il n'y a jamais de soins esthétiques post mortem.

Lorsque le décès a lieu à l'hôpital, il est recommandé de transférer le corps à domicile, chez l'un des enfants, ou le plus souvent dans un salon funéraire de l'entreprise chargée des pompes funèbres, afin que ses proches et amis puissent le veiller et réciter des psaumes en son honneur.

La toilette mortuaire est faite par des membres de la communauté juive, et l'enterrement a lieu le plus rapidement possible, la date est négociée entre la famille et les pompes funèbres. Les enterrements sont simples, sans fleurs ni couronne, ceux qui tiennent à faire un geste en mémoire du défunt, sont invités à faire des dons en son honneur à une oeuvre de bienfaisance, afin que cela augmente les mérites du disparu.

Le personnel soignant, et la laïcité

Il n'y a pas de différences sensible entre un malade en fin de vie, qu'il soit juif ou non, les différences entre les individus sont bien plus visibles que les différences entre les groupes.

La religion juive n'interdit aucun traitement permettant d'allonger la vie, ou de réduire les souffrances, des hommes et des femmes qui s'apprêtent à nous quitter.

Nous attendons de la part du personnel soignant un comportement humain, et compréhensif, le même qu'il a coutume de dispenser à toutes les personnes qui terminent leur vie à l'hôpital.

Il n'y a généralement pas de cérémonie ni dans la chambre du mourant, ni ailleurs dans l'établissement hospitalier.  Des proches peuvent demander à se recueillir à la morgue de l'hôpital, si le corps n'a pas été transféré dans un salon funéraire extérieur. A leur demande, on leur présentera alors le défunt, il peuvent demander que le visage soit masqué par un drap, et les proches pourront rester un certain temps en compagnie du défunt pour lui rendre hommage et réciter des psaumes.

Vous pouvez me contacter au 06 82 43 10 94, ou sur michel@mivy.fr et si nécessaire, je vous mettrai en relation avec notre rabbin.

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