Aimer (vraiment) son prochain, ne plus se taire
Delphine Horvilleur publié le 8 mai 2025
Sur les murs de ma synagogue sont gravés quelques mots, tirés d’un des versets les plus célèbres (et les moins bien compris) de la Bible : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».
L’adage, à la manière d’une « tarte à la crème », énonce la bonne conscience des religions monothéistes : on s’en gargarise comme pour se convaincre qu’au fond, on ne se veut que du bien. C’est charmant mais on sait que ces mots n’ont jamais empêché qui que ce soit de recourir à la violence, à l’intolérance ou au prosélytisme.
L’autre a certes tout notre amour, dès qu’il est notre « prochain » mais, à l’instant où il se fait un peu « lointain », de nos croyances ou nos convictions, mérite-t-il encore notre attention ?
Le phénomène n’est pas propre aux religions.
Tendez l’oreille vers tant de discours actuels, polarisés à l’extrême. La méfiance est radicale vis à vis du « salaud » d’en face. Et c’est particulièrement vrai quand il s’agit de débattre du Proche-Orient.
Très vite, chacun défend son « prochain » (et uniquement lui !), et la parole se censure… On se tait pour éviter de fournir la moindre munition au « camp » d’en face. Toute autocritique menace l’union sacrée, se fait traîtrise ou, pire, carburant pour un ennemi qui cherche à nous détruire
. Alors Chut… taisons-nous plutôt que de faire le jeu d’une quelconque récupération. Il en va de la sécurité de nos idées ou de nos enfants.
Moi-même, j’ai ressenti souvent cette injonction au silence. J’ai parfois bâillonné ma parole, pour éviter qu’elle ne nourrisse les immondices de ceux qui me menacent, ceux qui diabolisent et déshumanisent un peuple, et s’imaginent aider ainsi un autre. J’ai censuré mes mots face à ceux qui trouvent des excuses à une déferlante antisémite « ici » au nom d’une justice absente « là-bas ». J’ai entendu dans leur bouche les accords d’une haine ancestrale, la mélodie de ceux qui sont convaincus d’être du bon côté de l’Histoire.
Je me suis tue mais, aujourd’hui, il me semble urgent de reprendre la parole. Je veux parler, au nom de « l’amour du prochain » ou plutôt de ce que ce verset biblique (si mal traduit) en dit vraiment.
Il est écrit : « Si tu sais adresser des reproches à ton prochain » et alors : « tu aimeras ton prochain comme toi-même ».
Cet amour n’a rien d’inconditionnel ou d’aveugle. Il implique au contraire, dans la Bible, d’ouvrir les yeux d’un proche sur ses fautes, et de tendre dans sa direction un miroir pour qu’il s’observe.
C’est donc précisément par amour d’Israël que je parle aujourd’hui. Par la force de ce qui me relie à ce pays qui m’est si proche, et où vivent tant de mes prochains. Par la douleur de le voir s’égarer dans une déroute politique et une faillite morale. Par la tragédie endurée par les Gazaouis, et le traumatisme de toute une région.
Comme beaucoup d’autres Juifs, je veux dire que mon amour de ce pays n’est pas celui d’une promesse messianique, d’un cadastre de propriétaire ou d’une sanctification de la terre. Il est un rêve de survie pour un peuple que personne n’a su ou voulu protéger et il est le refus absolu de l’annihilation d’un autre peuple pour le réaliser. Il est la conviction, déjà énoncée par ses fondateurs, que cet État doit être à la hauteur d’une histoire ancestrale et, selon les termes de sa déclaration d’Indépendance, « tendre la main » à tous les pays voisins et à leurs peuples.
Cet amour d’Israël consiste aujourd’hui à l’appeler à un sursaut de conscience…
Il consiste à soutenir ceux qui savent que la Démocratie est la seule fidélité au projet sioniste. Soutenir ceux qui refusent toute politique suprémaciste et raciste qui trahit violemment notre Histoire.
Soutenir ceux qui ouvrent leurs yeux et leurs cœurs à la souffrance terrible des enfants de Gaza.
Soutenir ceux qui savent que seuls le retour des otages et la fin des combats sauveront l’âme de cette nation. Soutenir ceux qui savent que, sans avenir pour le peuple palestinien, il n’y en a aucun pour le peuple israélien.
Soutenir ceux qui savent qu’on n’apaise aucune douleur, et qu’on ne venge aucun mort, en affamant des innocents ou en condamnant des enfants.
C’est seulement par ce soutien que s’énonce un véritable amour du prochain. Pas comme une promesse niaise et inconditionnelle, mais comme une exigence morale qui doit préserver l’humanité de chacun d’entre nous, et permettre au « prochain humain », c’est-à-dire une génération à naître, de connaître autre chose que la haine.
Réponse du philosophe Charled Rojzman à la tribune de Delphine Horvilleur
On ne peut rien comprendre aux réactions d’une partie du monde juif contemporain sans regarder en face un paradoxe aussi ancien que ravageur : celui d’un judaïsme qui rêve de pureté dans un monde qui ne lui a jamais accordé le droit d’exister. Ce n’est pas la peur qui anime certains intellectuels juifs face à la guerre à Gaza. Ce n’est pas la lâcheté non plus. C’est plus insidieux : le désir d’un judaïsme impeccable — un judaïsme aux mains propres, c’est-à-dire sans mains.
Car l’Histoire ne nous enseigne pas qu’on peut vaincre la barbarie par des principes seuls. Le nazisme n’a pas été vaincu par la vertu, mais par la force — au prix de villes allemandes rasées, de millions de civils morts, et d’une Europe en ruines. Le Japon impérial n’a pas capitulé face à des sermons, mais face à une puissance de feu sans précédent. La guerre est cruelle. Mais quelle autre voie aurait permis de rester moral face à l’inhumanité nazie ?
Un judaïsme sans mains est un judaïsme mort — tout comme une morale sans courage est une morale vide.
Delphine Horvilleur, dans une tribune récemment publiée, incarne cette tendance avec une éloquence qui fascine autant qu’elle désarme. Face aux bombardements à Gaza, face aux accusations de crimes de guerre, elle choisit de distinguer son judaïsme de celui des autres, de ceux qui soutiennent Israël dans l’épreuve, de ceux qui refusent de se dérober derrière une morale abstraite. Elle écrit comme si le judaïsme devait se laver les mains de tout, pour rester « fidèle à ses principes », même au prix d’un abandon.
Mais de quels principes parle-t-on, quand on parle en surplomb de ceux qui vivent dans la terreur des sirènes, des missiles et des tunnels creusés pour tuer leurs enfants ?
Ce que revendique Horvilleur, c’est un judaïsme qui « témoigne » sans se mêler, qui observe sans participer, qui condamne pour se distinguer. Elle oppose une morale désincarnée à la complexité d’une guerre réelle, tragique, dont aucun peuple ne sortira intact. Et ce faisant, elle reproduit un vieux mécanisme : pour être accepté, il faudrait se désolidariser, se purifier, devenir l’exception morale du peuple juif.
Mais cette posture est une illusion — et une trahison.
Car un judaïsme sans solidarité, sans force, sans attachement à la terre, n’est plus qu’un mot creux. Un slogan acceptable pour les salons intellectuels d’Occident, mais totalement inopérant face aux roquettes et aux pogroms. Il ne s’agit pas ici de défendre aveuglément un gouvernement. Il s’agit de rappeler que le droit d’Israël à se défendre est non négociable. Et que le rôle du judaïsme, dans cette heure tragique, n’est pas d’accabler son propre peuple pour sauver son image morale.
Lorsque Delphine Horvilleur parle de « désarroi moral », on l’écoute, car elle parle en poétesse. Mais ce désarroi devient poison quand il se transforme en accusation publique, non pas malgré son judaïsme, mais au nom de celui-ci. Elle semble dire : « Regardez comme je suis juive autrement. » Elle semble vouloir prouver, à chaque phrase, que son judaïsme n’est pas celui qui bombarde, mais celui qui s’indigne.
Mais ce judaïsme-là est un luxe de paix. Il n’est d’aucune utilité dans un monde où des enfants juifs doivent être cachés dans des écoles, où l’on tabasse à cause d’un prénom, où l’on tue pour une étoile.
La tradition juive n'enseigne pas la pureté. Elle enseigne la responsabilité. Elle ne dit pas de rester innocents ; elle appelle à agir justement, dans un monde qui ne l’est pas. Et cette justice-là ne consiste pas à accuser Israël avec les mots de ses ennemis — colonialisme, apartheid, génocide — mais à porter la complexité de son histoire, la légitimité de son existence, le droit de ses citoyens à vivre.
Aujourd’hui, certains Juifs croient qu’en condamnant Israël, ils se protègent. Mais ils se trompent. Ce qu’ils obtiennent, ce n’est pas l’estime lucide du monde, mais une admiration convenue, qui flatte l’image morale à laquelle ils aspirent — au prix d’un renforcement sourd, mais violent, de la haine contre Israël. Une haine d’autant plus légitimée qu’elle semble validée par une rabbine censée incarner la spiritualité juive elle-même.
Le combat n’est pas seulement de défendre un État. Il est de défendre le droit du peuple juif à se défendre, à se tenir debout, à ne pas s’excuser d’exister.
Delphine Horvilleur rêve peut-être d’un judaïsme admirable. Mais sans engagement, sans peuple, sans terre, ce judaïsme est un mirage.
Et ceux qui s’y réfugient s’aveuglent eux-mêmes.
Il est temps de rappeler que la morale juive n’interdit pas la force — elle l’encadre. Elle ne rejette pas la défense — elle la structure. Elle ne condamne pas l’action — elle l’exige, quand l’existence est menacée. Ce n’est pas un luxe intellectuel. C’est un impératif de survie. "
?
BRING THEM HOME NOW !
De quoi Delphine Horvilleur est-elle le nom ?
Par Philippe Karsenty
Tribune Juive Tribune Juive
le 9 mai 2025
Delphine Horvilleur est depuis quelques temps la juive préférée des médias hostiles aux juifs et à l’Etat d’Israël, mais aussi parfois, malheureusement, de certains juifs séduits par le bruit qu’elle fait avec sa bouche.
Son CV mérite d’être analysé en détail.
On y apprend qu’elle a commencé des études de médecine qu’elle n’a pas terminées.
Pourquoi ne pas dire clairement qu’elle a échoué ?
On y apprend qu’elle a été mannequin.
Sans vouloir être offensant, il me semble que, compte tenu des critères requis pour l’être, cela a aussi dû se solder par un échec.
On y apprend qu’elle a été journaliste au bureau de France 2 à Jérusalem auprès de Charles Enderlin entre 2000 et 2003.
Cela signifie donc qu’elle travaillait au bureau de France 2 à Jérusalem quand la chaîne publique française a diffusé le faux antisémite le plus retentissant de notre génération, la mise en scène de la « mort » de Mohamed al Dura. A-t-elle participé à la conception et au montage de ce faux reportage ? Pourquoi ne s’est-elle jamais exprimée publiquement sur le sujet ?
Ces dernières années, Mme Horvilleur est apparue sur les plateaux de télévision les plus hostiles à Israël. Elle n’y a jamais fait preuve de grand courage pour défendre Israël.
Est-ce pour cela qu’elle y était invitée ?
Servait-elle de caution juive à la propagande antisémite déversée sur nos écrans ?
Cela n’a pas visiblement suffi puisque face au torrent de haine qui s’abat sur Israël, certains ont dû lui en demander plus.
Elle s’est donc exécutée au travers de ce texte dans lequel elle s’ordonne, s’adressant aux Israéliens, « d’ouvrir les yeux d’un proche sur ses fautes, et de tendre dans sa direction un miroir pour qu’il s’observe
« .
La seule réponse qui me vient à l’esprit pourrait être de lui dire « Miroir ». Mais ce serait trop moche.
Elle exprime « sa douleur de le voir s’égarer dans une déroute politique et une faillite morale ».
Reprenant l’idée du génocide, elle le reformule autrement en « refus absolu de l’annihilation d’un autre peuple« .
Elle appelle Israël à « un sursaut de conscience« . Encore envie de lui répondre : « Miroir ».
Elle poursuit en affirmant son soutien à « ceux qui refusent toute politique suprémaciste et raciste… ceux qui savent qu’on n’apaise aucune douleur, et qu’on ne venge aucun mort, en affamant des innocents ou en condamnant des enfants » .
Rima Hassan, Sors de ce corps !
Avec des amis comme ça, Israël n’a pas besoin d’ennemis.
Est-il utile de rappeler que Delphine Horvilleur ne représente personne, si ce ne sont quelques juifs de gauche attardés comme par exemple l’équipe dirigeante du CRIF ?
Pour mémoire, le CRIF s’est récemment illustré en diffusant dans sa newsletter, lors de la remise des corps de la famille Bibas par le Hamas, un éditorial de Guillaume Erner expliquant – tenez-vous bien – que Kfir Bibas est l’équivalent de Mohamed al Dura ; CRIF qui s’apprête à enfoncer le clou puisque Guillaume Erner sera l’invité des amis du CRIF le lundi 26 mai 2025.
Julien Bahloul a répondu à Delphine Horvilleur : « Je sais que beaucoup se sentent obligés de publier leur texte pour préserver leur image d’interlocuteur ‘pour la paix’, ‘modéré’, si importante afin d’être invité dans les médias. Je connais les règles du jeu ».
Nul doute qu’après la publication de son texte, Mme Horvilleur sera très bientôt réinvitée sur les plateaux et les ondes du service public ; d’autant plus qu’elle a reçu les félicitations du propagandiste Vincent Lemire qui qualifie son texte « d’admirable ».
Elle a aussi été rejointe par un dessinateur qui pense que ses talents graphiques lui donnent une quelconque légitimité pour s’exprimer sur ces sujets. Idem pour Anne Sinclair qui, en avril 2023, exprimait « sa honte de ce qui se passe en Israël« , Anne Sinclair, celle qui fut aussi la thuriféraire de François Mitterrand, qui fut lui-même un véritable collaborateur des nazis, décoré de la Francisque par le Maréchal Pétain et qui recevait à l’Elysée René Bousquet (organisateur de la Rafle du Vel d’Hiv) jusqu’à sa mort en 1993.
Connaissant l’intelligence de certains des dirigeants de Judaïsme en Mouvement – dont Mme Horvilleur fait partie – il semble clair qu’ils ne peuvent s’associer à cette diabolisation d’Israël et que ces dirigeants sauront – et même devront – exprimer publiquement leur désapprobation vis-à-vis de ce texte infâme.
Philippe Karsenty, homme d’affaires et ancien élu de Neuilly
Bravo à madame la rabbine devenue chirurgienne émérite.
Par Michele Chabelski sur Facebook
Elle a, d’un précis coup de scalpel, réussi à sectionner la communauté juive française dejà ciblée par une vague antisémite sans précédent.
Elle a réussi à fédérer autour de son pleurnichard discours les antisémites de tous bords, en tendant dans une christique attitude une joue encore intacte, l’autre ayant dejà été râpée par le 7 octobre.
DH se voit en sainte. Elle voulait faire sangloter sur les palestiniens . Elle ne réussit qu’à faire rire( jaune) sur elle- même les antisémites heureux d’épingler une trahison qui écrabouille un peu plus la communauté.
Elle croit nous renvoyer un misérable miroir comme si nous avions besoin qu’on nous explique que la guerre c’est moche, c’est meurtrier et que c’est aveugle. Comme si nous avions besoin qu’on nous explique que des civils mouraient et que ça brise le coeur .
Comme si les otages n’étaient pas eux des civils malmenés et mourant au nom d’une idéologie criminelle. Comme si les soldats israéliens tombés au combat n’etaient que des victimes collatérales. Comme si les juifs sans âme et sans coeur avaient besoin de ce rappel d’une sainte , cheville ouvrière d’un reveil d’une communauté anesthesiée. Sauver les otages encore en vie Éradiquer le Hamas.
On s’endort et on se réveille sur cette espérance qui rythme nos jours et nos nuits. Alors bien sûr DH doit aussi y penser, mais son allégeance à une gauche bien pensante, sentant sur elle l’odeur du sang versé par les gazaouis, lui enténèbre un peu le jugement et l’amène aux déclarations que l’on sait, qui a la couleur d’une fatwa sur la communauté juive.
Alors bien sûr des esprits chagrins vilipendent les méchants qui ont osé écorcher la sanctifiée rabbine. Je reconnais qu’elle est libre de sa parole . Mais qu’elle aurait du tourner sept fois sa langue sur la bible avant de jeter la communauté en pâture aux antisémites de tout poil. Une pluie de critiques s’abat sur ceux qui ont osé dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas.
J’avoue que j’aurais preféré ne pas connaître ce désastre communautaire qui ne grandit personne . Mais la vision d’un otage torturé libéré a ranimé la haine pour le hamas qui est seul a l’origine de cette page d’Histoire maculée du sang de nos frères israéliens .
Am Israel Haï
Lettres à mes sœurs/frères juifs de diaspora et aux amis vivant en dehors d’Israël.
Par Julien Bahloul
10 mai 2025 Tribune Juive Lettre ouverte
Depuis quelques jours je vois passer plusieurs tribunes exprimant un effroi quant à la situation en Israël et dans la bande de Gaza. Les auteurs de ces textes sont tous profondément attachés à notre pays. Personne ne peut remettre en question leurs liens affectifs et personnels. Il ne s’agit en rien de vulgaires militants d’extrême gauche pro-Hamas.
Mais des éléments dans leurs textes sont à mes yeux plus que problématiques.
- Tout d’abord en focalisant leurs critiques de la situation sur la politique de Netanyahu, ils se trompent d’adresse. La fin de la guerre ne dépend pas d’Israël, elle dépend des Palestiniens. La guerre a été déclenchée par des milliers de Palestiniens qui ont envahi Israël depuis la bande de Gaza, territoire qu’Israël a complètement quitté en 2005. La guerre se poursuit parce que le leadership palestinien rejette toutes les offres de cessez-le-feu. Toutes. Une. Par. Une. Depuis plus d’un an et demi. C’est avant tout aux Palestiniens qu’il faut s’adresser.
- On ne peut pas déresponsabiliser ainsi la société palestinienne. Cette même société qui éduque, avec l’argent de l’aide internationale, à la haine du juif. Cette société qui a donné naissance à une génération élevée au culte du meurtre de juifs. Cette société civile, oui civile, qui a pris part avec excitation au pogrom du 7 pogrom, aux viols, aux tortures, aux kidnappings, aux captivité d’otages.
Souvenez-vous des images des kidnappings du 7 octobre, en direct devant des caméras de presse (!). Avez-vous vu un seul homme, une seule femme, se dresser pour protester ? Pour tenter de sauver Yaffa Adar, 85 ans. Pour épargner les bébés Bibas ? Rien. Personne.
A chaque fois que vous parlez de la situation entre Israël et la bande de Gaza, n’oubliez pas qui sont nos voisins. Il est trop simple de faire porter la responsabilité de la poursuite de la guerre au gouvernement israélien. C’est vite oublier la réalité.
Parlons du gouvernement israélien justement.
J’ai passé des mois en 2023 à manifester contre lui. Jour et nuit. J’étais déjà convaincu à l’époque qu’il s’agissait du pire gouvernement de l’histoire du pays. Ai-je changé d’avis ?
Certainement pas. Smotrich et Ben Gvir sont à mes yeux une honte pour notre Etat. J’ai dénoncé ici à de multiples reprises leur racisme, leur homophobie. Mais surtout je dénonce leur incompétence crasse.
Et Netanyahu ? J’espérais déjà son départ depuis… je préfère ne pas tenter de me rappeler depuis quand. Aujourd’hui ma colère contre lui est encore plus immense : jamais je ne pourrais lui pardonner de ne pas avoir réussi à empêcher le 7 octobre. Je l’ai écrit, je le redis, tous ceux qui ont échoué le 7 octobre (police, armée, Mossad, Shin Bet, gouvernement) doivent dégager. Et vite.
En quoi mes critiques diffèrent de celles exprimées par les auteurs des tribunes ?
D’abord car ce que je décris concerne des affaires *internes* à Israël. Nous sommes un État de droit, démocratique. Je vis ici. J’élève mes enfants ici. Je vis nos drames et nos peines ici.
- Personne à l’étranger ne peut imaginer ce que nous traversons. Personne. Personne ne peut imaginer ce que signifie se réveiller chaque matin et avoir l’impression que la date de son téléphone est encore bloquée à 7 octobre, 6h29.
- Personne ne peut imaginer ce que l’on ressent lorsque, parfois quotidiennement, nous consultons des listes de morts en priant pour ne pas y croiser le nom d’un proche.
- Je pourrais vous parler de mon collègue David qui revient de 7 semaines en réserve à l’armée, après y avoir passé l’an passé plus de 200 jours. Lui qui a 3 enfants de bas âge et qu’il voit à peine.
- Je pourrais vous parler de Niv qui est revenu au bureau amputé, lui le sportif qui était également arbitre de foot.
- Je pourrais vous parler de Laly qui a enterré son fils.
- Je pourrais vous parler d’Ido, psychiatre, qui est allé prendre en charge des rescapés des massacres du 7 octobre.
- Je pourrais vous parler de Yotam qui a abandonné son mari Elad et leur bébé tout juste né pour aller rejoindre son unité au front en tant qu’officier combattant et médecin.
- Je pourrais vous parler de tous ces enfants autour de moi qui se réveillent en pleurant la nuit et qui font des crises de panique à chaque fois que les sirènes d’alerte se déclenchent.
Je lis dans les tribunes les multiples “appels à la paix” et je suis effaré par tant de naïveté et de cynisme. La paix ? Mais avec qui ? Pensez-vous vraiment que nous prenons plaisir à vivre encore dans une telle situation ? Je ne suis pas indifférent aux souffrances de la population gazaouie. Comment pourrais-je l’être.
Mais nous sommes en guerre.
Une guerre que nous n’avons pas choisie et qui se poursuit contre notre volonté. Avant de me soucier de la population palestinienne, je me soucie d’abord de la survie de mes enfants et de mes amis au front. Et là est là aussi une différence majeure entre mes critiques du gouvernement israélien et celles lues dans les différentes tribunes.
- Je sais que les auteurs de ces tribunes expriment leur sincère inquiétude et le font par amour d’Israël. Mais de fait, ils ne vivent pas ce que nous vivons et se trompent d’adresse lorsqu’ils pointent un doigt accusateur pour désigner le responsable de la situation.
- Je sais également que beaucoup se sentent obligés de publier leur texte pour préserver leur image d’interlocuteur “pour la paix”, “modéré”, si importante afin d’être invité dans les médias. Je connais les règles du jeu. J’ai été moi aussi écarté par certains qui se disent nos amis mais qui ont préféré prendre leurs distances parce que “tu représentes trop Israël”. Quel courage…
Je termine ce post en rappelant que nous vivons des moments extrêmement douloureux. Il était important de se tenir à nos côtés le 7 octobre lorsque nous étions encore en train de ramasser nos cadavres. Mais ça l’est encore plus d’être avec nous lorsque nous nous battons pour éviter un autre 7 octobre.
© Julien Bahloul
Journaliste, Julien Bahloul a fait son alya en Israël en 2010 avant de se porter volontaire dans l’armée israélienne à 25 ans. Pendant son service au sein de l’Unité du Porte-Parole, il crée les plateformes digitales de Tsahal en français.
Lettre ouverte à Delphine Horvilleur par Cyril Kleczewski (Sur Facebook)
Je vous ai défendue lorsqu’on a voulu vous faire taire. De mon point de vue, vous avez le droit d’exprimer vos idées. Mais ce droit implique aussi une responsabilité : celle de mesurer l’impact de vos mots, surtout quand ils donnent des munitions à ceux qui veulent la fin d’Israël.
- Vous appelez à un sursaut de conscience au nom de l’amour du prochain. Mais cet amour, dans notre tradition, commence par une loyauté sincère envers son peuple. Or votre tribune ressemble malheureusement davantage à une prise de distance morale qu’à un acte de solidarité.
- Vous reprochez aux Israéliens de perdre leur âme, mais vous écrivez depuis un confort diasporique, loin des alarmes, des enterrements et des otages.
- Vous dénoncez une « faillite morale » mais oubliez la morale de la guerre imposée, du devoir de protection, et de l’ennemi qui instrumentalise les enfants qu’il prétend défendre.
- Vous citez « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Mais en quoi consiste cet amour, si ce n’est d’abord en refusant de juger de loin, sans connaître la complexité du terrain ni l’angoisse de ceux qui y vivent ?
Cet amour exige la critique constructive, pas l’indignation condescendante.
Vous dites aimer Israël. Alors venez. Vivez avec nous. Ressentez ce que nous vivons. Votre amour y gagnera en profondeur et en justesse.
Enfin, si vraiment vous croyez au dialogue, je vous lance une invitation claire :
**un débat public, franc et respectueux. Êtes-vous prête ?**
Parce qu’aimer son prochain, ce n’est pas se taire, mais c’est aussi **chercher vraiment son bien**.
— Cyril ברוך Kleczewski
François Heilbronn : SOUTIEN A TROIS AMIS,
DELPHINE, ANNE & JOANN
Sur Facebook le 13 mai 2025
Une meute a été lâchée contre trois amis, Delphine Horvilleur, Anne Sinclair et Joann Sfar.
Mais ce n’est pas la même meute qui depuis le 7 octobre les harcèle sans cesse. Vous savez cette meute de militants et députés LFI, de frères musulmans et de militants de tous ordre pro-Hamas, pour la destruction d’Israël comme de l’invisibilisation des Juifs partout, voire pire. Celle qui sur les réseaux sociaux dans certains médias, les traitent de « sionistes-fascistes » ou de « génocidaires ».
Delphine, Anne et Joann depuis le 7 octobre ont mis leur notoriété, leur popularité à défendre Israël dans ses guerres sur 7 fronts de légitime défense, à exiger TOUT le temps la libération de TOUS les otages. Ils ont pris des risques, perdu des amis, des soutiens. Ils sont devenus trois cibles visibles de la haine antisémite en France.
Delphine, Delphine Horvilleur a publié un livre cri du cœur pour défendre Israël : « Comment ça va pas ? Conversations après le 7 octobre » Grasset, 2025. Et chaque vendredi dans sa synagogue de Beaugrenelle, elle a un mot pour les otages et pour tout Israël. Je le sais c’est ma synagogue depuis 25 ans et elle mon rabbin et amie depuis 15 ans.
Anne, Anne Sinclair est venue tous les vendredis, TOUS LES VENDREDIS depuis un an et demi, aux Mères de l’espoir ce si beau rassemblement pour réclamer la Libération des otages. (Photo sous la pluie avec Delphine Horvilleur et Sophia Aram). Anne que je côtoie au Conseil d’Administration du Mémorial de la Shoah, est aussi une amie engagée de toujours pour les Juifs et Israël. Je peux en témoigner.
Joann, Joann Sfar qui n’a pas hésité depuis un an et demi à abandonner son « Chat » à succès, pour ne dessiner et écrire avec son talent immense, pour nous faire espérer avec son superbe album « Nous vivrons ». Nous dessiner le « Haï » de la vie, celui qui est devenu le symbole bleu des Français juifs soutien d’Israël. Joann a profité de sa notoriété et de son talent pour critiquer les meurtriers du Hamas et leurs complices de tous ordres en France. Joann est venu dans toutes les facs, et avec l’UEJF nous l’avons reçu à Sciences Po, l’année dernière au plus chaud de l’insurrection pro-Hamas de certains étudiants. Il est venu. Il n’a pas hésité.
Donc ces trois héros, ces trois courageux, qui ne ménagent ni leurs temps, ni leur énergie, ni leur courage sont comme la majorité des Israéliens opposés à la dernière offensive militaire israélienne de février 2025 à Gaza. Ils l’ont exprimé, chacun à leur manière. Je ne suis pas d’accord avec tout ce qu’ils ont écrit, certains mots employés. Mais je respecte leur parole. Car je sais que c’est par sionisme et par amour d’Israël qu’ils expriment leurs doutes sur certaines actions du gouvernement israélien.
Mon amour d’Israël et du peuple juif et mon engagement dans tous ces combats depuis 50 ans, vient de ce sentiment de liberté, de totale liberté. De ce sens du débat, du débat total, où on n’est pas d’accord, comme dans toutes les écoles juives du monde et ce depuis près de 2.000 ans.
Nous sommes un peuple libre, libre d’opinions différentes, libre de débattre, libre de contester. De contester Dieu, alors encore plus de critiquer les "Rois" d’Israël, ceux du passé comme ceux du moment.
Mais cette liberté de Delphine, Anne et Joann est contestée, non par un débat légitime avec des arguments posés, une réflexion nourrie. Non ce n’est pas un débat, c’est une meute et hélas cette fois-ci une meute de Juifs qui sur les réseaux sociaux à l’image des Insoumis, salit, souille, insulte et ainsi s’abaisse.
Comme l’a très bien écrit, Yonathan Arfi, Président du CRIF dans un édito hier soir : « chacun est libre de s'exprimer et de partager son questionnement politique ou moral. Comme chacun est libre de penser ce qu'il veut de ces prises de position. Mais là où certains se réjouissent de ce qu’ils perçoivent comme une faiblesse, le monde juif a toujours vu une force. De tous temps, les Juifs ont pu débattre, diverger, s’opposer précisément parce que la liberté de pensée, la liberté d’expression et le pluralisme sont au cœur des valeurs juives et de notre vision du débat démocratique. Tout le contraire par exemple de... LFI ! ».
Nous avons la liberté de penser, laissons à nos ennemis celle de la Haine. Donc j’apporte tout mon soutien, toute mon amitié et toute ma solidarité à mes amis Delphine Horvilleur, Anne Sinclair et Joann Sfar.
A PROPOS DU TEXTE DE DELPHINE HORVILLEUR.
Par Charles Szlakmann sur Facebook
- 1) Je n'oublie pas que Delphine Horvilleur et Joann Sfar ont défendu avec le plus grand courage la cause d'Israel depuis le 7 octobre, et que pour cela ils ont pris des coups très durs. En particulier, ils ont été ciblés et soumis à une pression très forte de la part de leur milieu naturel, à savoir intellectuels et artistes. Ils n’ont pas cédé.
- 2) Je n'oublie pas non plus que dans son texte, la rabbine condamne avec la dernière énergie les ennemis d'Israel qui en France jour après jour s'emploient obsessionnellement à délégitimer l'existence même de l'Etat juif.
- 3) Cependant, je suis en désaccord total avec certaines formules de son texte , en particulier "déroute politique et faillite morale". Cette expression est parfaitement normale et légitime en Israel dans le cadre du débat politique d'un pays démocratique, elle ne l'est pas à mon avis en diaspora, car elle résonne comme un reproche généralisé à l'égard d'un pays qui lutte pour sa survie et qui ne mérite pas un tel jugement global, formulé depuis l'extérieur. Expliquer avec arguments telle ou telle position politique, pourquoi pas. Mais émettre des condamnations morales depuis la diaspora, ce n’est vraiment pas une bonne idée.
- 4) Cela dit, je trouve indignes les attaques ad hominem contre Delphine Horvilleur, elles sèment la discorde et la haine au sein de notre communauté, laquelle n'a pas besoin de cela face à ses ennemis. Bien sûr argumenter et débattre. Mais insulter ? c'est moche et dérisoire. Delphine Horvilleur a largement fait la preuve de son attachement à la cause d'Israel, mais avec ce texte elle a commis une erreur. Rien n'est définitif. Plutôt que de brûler ce que l'on a adoré, il serait bon de se souvenir du PIrkei Avot chapitre 1 mishna 6.
- 5) Enfin pour ma part -c'est purement personnel-, je fais mienne la règle énoncée par Elie Wiesel, en substance: mon devoir de réserve est le prix à payer pour ne pas résider en Israël.
Judaïsme en Mouvement communique
Raison garder
Delphine Horvilleur est rabbin du mouvement Judaïsme en Mouvement (JEM) à la synagogue de la Rue Gaston de Caillavet Paris XV (Beaugrenelle)

Jean-François Bensahel Président de JEM
JEM Communiqué]
Je suis un libéral et je me battrai toujours pour que chacun puisse dire ce qu’il a à dire, même si je ne suis pas d’accord avec lui. Bien sûr je préférerai que les échanges soient partagés avec aménité et que, fidèlement à Lévinas, le judaïsme soit vraiment une religion d’adultes, mais ma méditation spinoziste ne me permet pas de douter de l’effet dévastateur des passions tristes, ni de me faire des illusions sur la violence tapie dans le cœur de la nature humaine et dont Delphine Horvilleur, notre rabbin, est ignoblement la victime. La haine gratuite, la sinat hinam, est le crime du judaïsme, puisque c’est elle qui a été responsable de la destruction du Temple. N’y succombons JAMAIS.
J’essaie d’être guidé dans mes pensées non pas par des options, mais par la seule recherche de la vérité, car le réel n’est ni de droite ni de gauche. Nous avons beaucoup échangé avec Delphine aujourd’hui pour lui témoigner notre soutien dans cette période, sans que ce soit un acquiescement à ses propos, notamment parce qu’Israël et son armée ne pouvaient pas être réduits à son gouvernement et aux propos abjects de certains de ses ministres. Elle m’a indiqué qu’elle allait préciser sa pensée dans un très beau texte prononcé en ouverture de l’atelier Tenoua de ce soir sur le thème "Répondre à la haine",
Il y a quelques années examinant les évolutions démographiques dans la société israélienne, j’avais sur le ton de l’ironie demandé au président du CRIF, ce qu’il ferait vis-à-vis d’Israël quand celui-ci serait dirigé par un premier ministre d’une coalition d’extrême droite ? Il m’ avait regardé incrédule. Il ne pouvait imaginer que ce scénario fût possible et surtout qu’il entraînerait un risque de découplage entre Israël et la diaspora. Delphine Horvilleur dans son très beau texte a l’immense mérite de nous y faire réfléchir, et de porter le débat au niveau où il doit être.
C’est bien de cela dont il s’agit aujourd’hui. Des ministres suprémacistes juifs prêts à tout pour faire respecter la Bible comme un cadastre et reconquérir les territoires perdus depuis 3000 ans, et pour anéantir tous ceux qui s’y opposent à leurs sinistres espérances, des juifs considérés comme hérétiques dès lors qu’ils ne partagent pas leurs points de vue, et notamment, mais pas seulement, les juifs réformés – et c’est sans hasard de calendrier que deux synagogues réformées à Netanya et Ra’ananna ont été vandalisées il y a quelques jours – une logique de démantèlement de l’état de droit et des libertés individuelles, de remise en cause de la séparation de pouvoirs, dans l’optique d’un pouvoir à vie de l’actuel locataire, etc, menacent de transformer radicalement le rêve sioniste en cauchemar et de créer les conditions d’un découplage entre la diaspora et Israël.
Arrêtons de baguenauder. L’heure est grave en Israël.
Mais la conduite de la guerre est une autre affaire. La guerre est l’épreuve inhumaine par excellence, celle qui suspend toute morale. Nous le savons bien nous Français, nous européens, depuis Napoléon qui a inventé la guerre totale dont les populations sont les premières cibles. Guernica, Dresde, Hiroshima, Grozny, Alep, Mossoul, etc, etc, vous vous rappelez ? La guerre ne s’arrête que quand le mouvement est devenu impossible et que les forces ennemies s’ébrouent de chaque côté d’une ligne de front. Tant qu’il y a du mouvement, la guerre est en mouvement, logique implacable des rapports de force jusqu’à ce que l’un des belligérants mette un genou à terre. Le Hamas qui l’a déclenchée de la plus barbare des manières et qui aurait pu cesser il y a bien longtemps, si l’ensemble des otages avait été libéré, est en train de la perdre. S’il libérait maintenant les 58 otages dont 20 encore présumés en vie, elle cesserait immédiatement et même, ce qui est unique, il obtiendrait un sauf conduit pour ses chefs. Est-il nécessaire de rappeler que Tsahal est la seule armée à prévenir les populations de frappes imminentes ?
Tant que le Hamas ne le voudra pas, Israël, comme n’importe quel État poussera son avantage, malgré ses morts quotidiens, malgré ses familles endeuillées, ces traumatismes qui hanteront des générations d’israéliens à venir, quand bien même d’autres possibilités d’une paix plus précoce s’offriraient à lui. Hélas, nous savons la loi de la guerre, tous les blâmes n’y changeront rien. Une guerre déclarée n’est qu’une boîte de Pandore que l’on ouvre et qui ne s’achève que lorsque que celle-ci s’est vidée et qu’il n’y a plus de combattants. Dura lex sed lex.
Golda Meir en son temps avait eu cette phrase glaçante de vérité : "nous pouvons pardonner aux Arabes d’avoir tué nos enfants. Nous ne pouvons pas leur pardonner de nous avoir obligés à tuer les leurs". Logique horrible de la guerre.
Prions pour que vite viennent le temps de la paix, la célébration de la vie, et le retour de la raison ici en France, là-bas en Israël.
Jean-François Bensahel
Président de JEM
https://laregledujeu.org/2025/05/13/42938/prendre-la-parole-juive-dans-la-tempete-gaza-le-hamas-israel-et-la-responsabilite-de-dire/
Répondre à la haine
Le 7 mai, le Rabbin Delphine Horvilleur publiait dans Tenoua un article dénonçant les dérives du gouvernement Nétanyahou qui mettent en danger Israël, son avenir et ses principes. Elle affirmait alors que le soutien à Israël ne saurait se passer de la voix lucide et exigeante de la diaspora, fidèle aux principes d’humanité qui fondent l’histoire juive. Après plusieurs jours de violentes attaques, elle reprend la parole pour dire ce qui, à son sens, doit guider toute défense d’Israël et tout débat dans la communauté juive.
Delphine Horvilleur Publié le 13 mai 2025
Hiné ma tov oumanayim shevet ahim gam yahad… הנה מה טוב ומה נעים שבת אחים גם יחד "Comme il est doux et agréable, dit la chanson en hébreu, d’être réunis ensemble, tels des frères et sœurs", en famille, côte à côte.
J’avoue avoir, ces derniers jours, un peu douté de la formulation de ce verset, en découvrant sur les réseaux sociaux, tant de messages de mes « frères et sœurs » dont la douceur était… subtile.
Il y avait parfois des menaces, des insultes misogynes, des photos de moi dans une sorte de cercueil étrange, des prières formulées pour qu’il m’arrive malheur. Je passe sur les commentaires sur ma vie, mes études, mon physique, mon diplôme, mon titre, ma légitimité, ma représentativité, et tout le reste… ces commentaires publiés parfois sur certains sites juifs, qui furent un jour (il y a longtemps) l’honneur de notre communauté.
Je n’ai pas tout lu, désolée, et j’arrête là ma revue de presse des réseaux juifs (qui, vous en conviendrez, n’est pas à l’honneur de notre communauté, et devrait même nous interroger sur sa culture du dialogue, et son éthique de parole)
J’ai lu aussi que certains me reprochaient au choix :
- de prendre la parole depuis la diaspora, sans payer le prix de la vie israélienne quotidienne,
- de défendre un judaïsme éthéré, fait de belles idées et pur de toute action politique, en abandonnant ceux qui se battent « pour de vrai »,
- ou encore de mettre en danger Israël en donnant des armes ou des cautions idéologiques à des ennemis ignobles.
Et à chacun de ces reproches, je veux répondre, et peut‐être redire ce que j’ai déjà formulé, y compris à ceux qui ont décidé, quoi qu’il arrive, de ne pas l’entendre.
J’ai parlé, et je parlerai encore, par amour d’Israël et au nom de mon puissant engagement sioniste, comme je le fais depuis tant d’années – depuis Israël où j’ai si longtemps vécu, depuis la diaspora, et tout particulièrement depuis le 7 octobre, depuis que nous appelons au retour des otages et à la fin de ce cauchemar pour tous.
Je parlerai aussi au nom d’un verset. Pardon d’en citer encore un – que voulez‐vous ? les rabbins font souvent cela… Il s’agit des paroles d’un très célèbre prophète qu’on lit si souvent en temps de crise dans notre tradition.
Isaïe a prononcé un jour ces mots :
Lemaan Tsion lo éhéshé… למען ציון לא אחשה Pour Sion, je ne me tairai pas Certains interprètent ce verset en suggérant qu’il faudrait toujours parler en faveur de Sion, c’est-à-dire de Jérusalem et d’Israël pour en chanter les louanges, pour en éteindre les critiques, et la défendre inconditionnellement.
Mais ce n’est pas ce que dit la tradition. Nos prophètes enseignent que nous ne devons pas chercher, au nom du consensus ou du confort, à taire l’injustice ou à masquer le réel. Isaïe dit qu’il ne faut jamais se taire quand on considère que la grandeur de Sion et de Jérusalem est ternie ou mise en danger.
Bien sûr qu’il est plus simple de faire silence parce que ce serait, comme le disent certains, « le prix à payer pour ne pas vivre en Israël…. », ou la garantie d’une supposée unité affichée. Il est étrange d’invoquer cet argument alors même que le gouvernement israélien n’hésite pas à parler au nom de la diaspora, et parfois même contre ses intérêts.
Étrange aussi de se taire quand tant d’Israéliens que j’ai rencontrés ces derniers mois, ceux‐là même qui luttent pour la démocratie israélienne qui nous est chère et combattent les dérives politiques, ceux‐là même qui sont au front d’une guerre légitime et essentielle contre le Hamas et pour la survie d’Israël, quand eux nous disent encore et encore : la diaspora doit parler, elle doit nous aider, et se tenir à nos côtés maintenant, pas seulement pour lutter contre les ennemis extérieurs d’Israël et ses détracteurs, mais aussi contre ce qui, parfois, nous menace de l’intérieur du pays et affaiblit nos piliers.
D’autres me disent (et, parmi eux, des philosophes) : tu as une vision trop pure de l’idée d’Israël, trop diasporique, qui fait l’impasse sur la réalité d’un État, de tout État : avoir des mains pour agir, quitte à parfois les salir.
Et c’est avec mes deux mains que j’applaudis cette remarque car elle ne contre en rien ce que je pense, dis et fais depuis tant d’années. Le sionisme est la promesse pour les Juifs d’avoir enfin une souveraineté, c’est-à-dire une défense et une puissance politique. Mais qui dit pouvoir dit responsabilité, et c’est cela que je questionne. Non pas la nécessité pour Israël d’avoir une politique – et donc de mener parfois des actions violentes au nom de sa sécurité et sa survie – mais le devoir de s’interroger, comme l’ont toujours fait les sages d’Israël, qu’ils aient été bergers, rois, prêtres ou prophètes, sur le sens des combats justes, sur l’éthique de la guerre et la recherche de la paix.
Reste enfin le dernier argument. Celui qui s’énonce ainsi :
« Tu ne peux pas parler parce que des salopards vont récupérer tes paroles et les utiliser contre nous. Ils s’armeront de nos divisions ou de nos aveux », ce qu’on appelle en hébreu ervat haarets, « la faiblesse, les failles de notre camp ».
Et les gens qui me disent cela ont en partie raison. Certains militants politiques virulents et haineux récupèrent mes mots et les détournent, comme ils en ont recupéré et détourné tant d’autres paroles pour dire des horreurs : « Haha, vous admettez enfin le ‘génocide’ et ce que nous disons depuis le début, qu’Israël est un État colonial immoral par essence et coupable… »
À ceux‐là, je dis évidemment et trop poliment peut‐être : allez vous faire voir… Car non, je ne validerai jamais vos slogans ignobles, vos mensonges, votre délégitimation d’Israël et votre idéologie mortifère.
Je lutterai de toutes mes forces contre cet antisionisme qui abrite la haine antijuive actuelle, celle qui offre son soutien aux terroristes du Hamas, celle qui menace nos enfants.
Je parlerai donc encore par amour d’Israël, par sionisme et par attachement à l’éthique et aux enseignements sacrés du judaïsme. Et je dénoncerai encore les propos de ces ministres du gouvernement Nétanyahou, ceux qui appellent à ne pas faire de la libération des otages une priorité suprême, ceux qui appellent à réoccuper Gaza, ou à suggérer que la faim serait une arme de guerre légitime. Toutes ces paroles de déshumanisation, qui ont été prononcées, qu’elles soient suivies de leur réalisation immédiate ou non, constituent à mes yeux – et aux yeux de bien des Israéliens – une trahison et un hiloul hashem [une profanation du nom de Dieu]. Refuser de les condamner et se taire, c’est, à mon sens, renforcer la parole de nos ennemis. En cela, c’est affaiblir Israël qui a besoin de nos mots, comme d’un miroir salutaire, et de notre défense contre cette autre menace.
La préservation des valeurs morales et les leçons de l’histoire juive doivent nous guider : le souci de la démocratie est la plus grande fidélité au sionisme.
Je sais qu’il y a beaucoup de Juifs en désaccord absolu avec moi, qui considèrent que je m’égare et me trompe, que je suis naïve ou à côté de la plaque, et je respecte ce point de vue. Non seulement je le respecte, mais je considère qu’il est la force de notre peuple. Il n’existe aucun pape juif, aucune personne qui puisse parler au nom de l’institution ou du groupe, d’une voix unique. Notre force est là : être capable d’avoir un débat, sans unanimité, sans consensus absolu… et sans sinat hinam, cette haine gratuite qui nous assassine – tout comme la médisance le fait parfois.
J’invite donc tous mes « frères et sœurs » qui ont passé un temps considérable à écrire autant d’horreurs sur mon compte ces derniers jours, à investir cette énergie dans les combats bien plus critiques, bien plus juifs et bien plus humanistes.