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vendredi, 01-Jul-2011

 

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Elections turques : l’autre visage d’Erdogan

Lors des élections législatives de dimanche, les Turcs ont voté en majorité pour le parti islamo-conservateur du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, le Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir depuis 2002.

Fort de sa victoire, Erdogan entame un troisième mandat. Au fil des années, cet ex-footballeur diplômé d’une école d’imams – décoré du « prix Kadhafi des droits de l’homme » et devenu le grand allié de l’Iran et du Soudan –, révèle un visage de plus en plus autoritaire et islamiste : mise sur écoutes et arrestation de politiques, intellectuels et journalistes anti-islamistes, violentes condamnations d’Israël et des juifs, accointances avec les entrepreneurs islamistes, confiscation des holdings de presse (groupe Dogan ou Uzan) tenus par des laïques… Ces derniers accusent Erdogan de vouloir détruire la laïcité d’Etat instaurée par le père de la Turquie moderne, Mustapha Kemal dit « Atatürk » (« le père des Turcs »).

Autre reproche : Erdogan a maintenu l’injuste disposition constitutionnelle qui empêche l’entrée au Parlement des partis ayant moins de 10 % des voix (seuil le plus élevé au monde). Certes, le parti pro-kurde Paix et Démocratie (BDP) a contourné cette loi en présentant des candidats indépendants, mais tant d’autres sont privés de représentation. Les deux seuls partis capables d’atteindre les 10 % sont le Parti républicain du peuple (CHP, kémaliste) et peut-être le Mouvement nationaliste (MHP, extrême droite).

Et l’adhésion à l’Europe ?

Quant à la candidature à l’entrée dans l’Union européenne, les Turcs sont de plus en plus réticents. Selon une enquête publiée le 1er juin par l’Institut de recherches Tesev, 36 % des Turcs n’envisagent pas d’adhésion avant dix ans et 30 % pensent que la Turquie n’y rentrera jamais. Du côté de Bruxelles, les négociations piétinent : seulement 13 des 35 « chapitres » jalonnant les négociations d’adhésion ont été ouverts et un seul est clos… Dans ses discours souvent violents, Erdogan en accuse Angela Merkel et surtout Nicolas Sarkozy, hostiles à l’adhésion turque.

Mais la responsabilité première incombe au refus turc de reconnaître la République (grecque) de Chypre, île membre de l’Union européenne dont 37 % est occupée par l’armée turque. Et Ankara refuse toujours d’ouvrir ses ports et aéroports à la République de Chypre, ce qui viole le traité d’union douanière Turquie-UE. Le rapport de la Commission présenté en mars dernier est d’ailleurs très critique envers Ankara. Paris s’oppose donc à l’ouverture de tout nouveau chapitre qui « préjugerait de l’adhésion », la position lucide de Nicolas Sarkozy (celle de la majorité des Français) consistant à proposer à la Turquie un « partenariat privilégié » et non une adhésion pleine, dont personne ne veut réellement tant en Europe qu’en Turquie.

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Élections turques : victoire des islamistes et troubles en perspective - Ména=> Metula News Agencie-
lundi, 27 juin 2011

Par Selim Berkmen

Les élections législatives du 12 juin en Turquie se déroulèrent sans surprises et se soldèrent par la victoire du Parti de la Justice et du Développement (AKP) du Premier ministre Erdogan. Cette formation a obtenu 50 % des suffrages exprimés, ainsi que 327 députés sur 550 à l’Assemblée Nationale, soit une majorité de 60% des élus.

Le premier parti d’opposition, le Parti Républicain du Peuple (CHP), laïc et social-démocrate, épuré de ses cadres historiques, à l’initiative de son nouveau leader Kiliçdaroglu, a obtenu 26 % des voix et 135 sièges à la chambre ; alors que le Parti de l’Action Nationaliste, (MHP), est parvenu à atteindre le quorum des 10% nécessaires à la représentation parlementaire, avec 50 élus et 13 % des voix.

Les spécificités du système électoral turc ne permettant pas la représentation des partis obtenant moins desdits 10% à l’échelle nationale, les libéraux laïcs des anciens premiers ministres Mesut Yilmaz et Tansu Çiller, qui gouvernèrent la Turquie dans les années 90, se sont totalement effondrés, obtenant des scores inférieurs à 1%. Quant aux candidats autonomistes pro-kurdes du BDP (Parti de l’Unité et de la Démocratie), qui s’étaient présentés sous l’étiquette indépendante, ils parvinrent à remporter 35 sièges, avec un peu plus de 6% des voix.

Des seize formations ayant participé à la consultation, seules quatre seront donc représentées au parlement, qui se réunira pour la première fois demain mardi.

Si l’on fait abstraction du taux record de participation de 87% - qui laisse planer des soupçons de fraude aux yeux de certains observateurs locaux -, et au-delà des données brutes, illustrant le troisième succès électoral des islamistes « modérés » d’Erdogan, au pouvoir depuis 2002, une analyse plus fine des résultats fait apparaître une profonde fracture de la société turque, ainsi que la consolidation d’une tendance, mettant en cause le caractère laïc et unitaire de l’Etat ; une particularité qui constituait pourtant le ciment de la république turque depuis sa fondation en 1923.

Les régions côtières de la mer Egée et de la Thrace orientale, aux confins de la Grèce et de la Bulgarie, modernistes et traditionnellement acquis à la laïcité, accordèrent la majorité de leurs voix au CHP (laïc et social-démocrate) comme lors de scrutins précédents. Il en alla de même dans la province de Tunceli, à l’Est, peuplée d’alaouites kurdes [1].
Les départements du Sud-Est, à la frontière de la Syrie et de l’Iraq, votèrent, quant à eux, massivement pour les candidats indépendants autonomistes.
Dans les quartiers populaires des mégapoles industrialisées d’Istanbul et Ankara, la propagande du parti au pouvoir et des imams de quartier, prônant le retour aux valeurs ancestrales et vantant les mérites des progrès économiques, a fait mouche.

Quadrillés par les confréries et les cadres de l’AKP, ces quartiers demeurent peuplés d’« immigrés » des campagnes, confrontés aux difficultés de la vie quotidienne, et craintifs face à la vie citadine, la considérant comme semée d’embûches et de débauche. Les ghettos d’Istanbul, qui abritent une population désœuvrée venue de l’Est et du Sud-Est, ont jeté leur dévolu sur les candidats « indépendants » du parti autonomiste kurde.

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Les résultats géographiques des élections parlementaires turques

 

Le succès de la formation d’Erdogan paraît toutefois constituer une victoire à la Pyrrhus, dans la mesure où le Premier ministre sortant, dont l’ambition était de modifier la Constitution pour instaurer un régime présidentiel, ne dispose pas du nombre d’élus requis à cet effet ; une majorité des deux tiers des députés auraient été en effet nécessaires pour lui ouvrir la voie vers la magistrature suprême. Erdogan devra ainsi composer avec les autres partis pour parvenir à ses fins, à moins de trouver d’autres moyens, en marge de la légalité, pour restreindre la représentation de l’opposition.

Ces exercices périlleux, s’appuyant sur un appareil juridique remodelé lors du précédent mandat du 1er ministre islamiste, et de plus en plus inféodé à l’exécutif, risquent d’entacher la régularité de l’exercice du pouvoir et d’accentuer le climat d’instabilité. Une fronde des nouveaux élus du BDP en témoigne déjà, qui menacent de boycotter le parlement, suite à l’invalidation du mandat de l’un des leurs, Hatip Dicle, condamné pour « propagande terroriste ».

La décision du Conseil Supérieur Electoral (YSK) [chargé de superviser le déroulement des élections. Ndlr.], qui avait pourtant donné son aval à la candidature de Hatip Dicle, sonne comme une provocation, après le report de ses voix sur sa rivale de l’AKP, qui fut proclamée élue à sa place, conférant un siège supplémentaire au parti majoritaire.

Dans le même registre, on observe le cas peu ordinaire de deux nouveaux élus du parti laïc et social-démocrate ; il s’agit de Mustafa Balbay, journaliste au célèbre quotidien Cumhuriyet, (La République), et du professeur Heberal, connu pour ses travaux sur la transplantation. Tous deux sont détenus sans jugement depuis trois ans dans le cadre de l’enquête sur les « réseaux Ergenekon » [2], dans laquelle ils sont accusés d’avoir fomenté un coup d’Etat d’obédience laïque contre le gouvernement AKP. Balbay et Heberal ont fait acte de candidature depuis leurs cellules de prison, le tribunal rejetant leur demande de mise en liberté à l’occasion de la tenue du scrutin ; les incertitudes planent quant à la validation de leurs mandats.

La reprise des hostilités par les séparatistes kurdes, dans la guerre civile larvée opposant depuis des décennies le Parti Ouvrier du Kurdistan (PKK) à l’Etat turc, dans les provinces majoritairement peuplées de Kurdes, et qui connut une courte trêve durant la période électorale, constituerait un nouveau facteur d’instabilité dans une zone de troubles aux paramètres complexes ; un tel regain de violence ajouterait également de la difficulté aux tâches déjà peu commodes de la diplomatie turque. Une diplomatie qui peine à jongler entre les différentes forces rivales dans la région, et qui doit faire face, dans l’immédiat, à l’afflux massif de refugiés fuyant les exactions de l’armée syrienne. Parmi lesquels on trouve des milliers de Kurdes.

Le raid récent des soldats d’Al Assad, dans un village à un kilomètre de la frontière turque, faillit opposer les deux armées face à face, montrant à quel point les équilibres étaient fragiles, en dépit des « amitiés retrouvées », entre une Syrie sunnite, soumise à la dictature d’une caste militaire alaouite, et une Turquie ambitionnant désormais le leadership du monde sunnite, affairée à l’exportation de son modèle « d’islam modéré ».

La presse turque vient de dévoiler, à propos d’un autre conflit, l’approvisionnement régulier de l’armée du colonel Kadhafi en denrées alimentaires par des sociétés anatoliennes ; ce, en dépit des retournements de tendances à répétitions de la diplomatie turque.

Erdogan pourra-t-il poursuivre longtemps ses numéros de funambule contre vents et marées ?

Notes :

  [1] Les alaouites en Turquie constituent une communauté religieuse, traditionnellement attachée aux institutions laïques, dans un environnement dominé par l’islam sunnite. La province de Tunceli est majoritairement peuplée d’alaouites parlant un dialecte kurde, le zaza, qui les distingue des autres kurdophones du pays.

[2] Des dizaines d’arrestations furent opérées au cours des trois dernières années dans les milieux laïcs et dans les rangs de l’armée, et les mises en détention se poursuivent, sans qu’aucune condamnation ne soit prononcée jusqu’aujourd’hui contre les personnes mises en examen.

Victoire des islamistes par la MENA
 

Selon Pierre Vanrie de Courrier international le 14 juin 2012,

L’AKP confirme sa place de leader

Les élections ont permis au parti du Premier ministre Erdogan de progresser. Un résultat qui s’explique notamment par la personnalité charismatique du chef du gouvernement et par une campagne intelligente menée par la principale formation du pays.

« Le grand succès de l’AKP s’explique  de multiples façons », écrit Rusen Cakir dans Vatan. « Le succès des élections législatives de 2007 s’expliquait par l’interventionnisme de l’armée qui voulait alors empêcher à tout prix qu’un membre du Parti de la justice et du développement (AKP) [en l’occurrence Abdullah Gül] puisse devenir président de la République. L’AKP s’était alors retrouvé en position de victime, ce qui l’avait servi électoralement.

Quatre plus tard, la situation est tout autre et l’AKP n’est plus en position de victime. Que, dans ces conditions, l’AKP engrange un tel succès électoral illustre donc qu’au moins un électeur sur deux est satisfait de ce parti. Les clichés caricaturaux sur un AKP clientéliste qui obtient des voix parce qu’ » il a distribué des pâtes et de l’or à la population » ne permettent pas de comprendre cette progression », explique-t-il.

Selon Taha Akyol de Milliyet, cette progression s’explique parce que « l’AKP a réussi à amener vers le ‘centre’ de larges franges de la population qui incarnaient la ‘périphérie’. Erdogan a réussi le tour de force de représenter les sentiments et les choix politiques des citoyens et des entrepreneurs issus de la province anatolienne et des faubourgs des grandes villes et de leur apporter des ‘services’. Ce que l’on qualifie de ‘services’ est en réalité le développement économique. Que ce soit dans le domaine de la santé, du transport ou de l’enseignement, l’AKP étend ainsi l’application des services publics du centre vers cette périphérie. C’est dans ce contexte que les électeurs des zones côtières égéenne et méditerranéenne inquiets pour l’avenir de la laïcité en Turquie (et qui votaient alors plutôt pour le CHP [principal parti d'opposition à l'AKP]) ont pu constater que la laïcité n’avait pas disparue après neuf années d’AKP. Ils se sont alors intéressés aux ‘services’ que pouvait leur rendre l’AKP. C’est ainsi que les suffrages en faveur de l’AKP ont augmenté de façon importante notamment dans la région d’Izmir. »

Ayhan Aktar, dans Taraf, estime d’ailleurs qu’avec cette élection on assiste à « la fin de la paysannerie et à la victoire des classes moyennes urbaines ». « Désormais, 75 % de la population turque vit dans les villes.

Depuis 2002, l’AKP a développé une politique économique à l’attention de ces classes sociales urbaines. N’oublions pas que l’AKP a forgé son identité au cours de son expérience municipale. Pour la première fois, un gouvernement organisait la distribution des revenus, distribuait des livres gratuitement aux lycéens et investissait dans une réforme de la santé et de la mobilité. Par ailleurs, la baisse de l’inflation a rassuré cette classe moyenne urbaine », affirme-t-il. Pour de nombreux éditorialistes de la presse turque, la personnalité charismatique du Premier ministre Erdogan est également pour beaucoup dans le succès de l’AKP.

Le Parti pour la paix et la démocratie (BDP, prokurde [vitrine légale du PKK]) est considéré également par bon nombre d’observateurs de la presse turque comme le second vainqueur de ce scrutin. Se présentant sous forme d’un bloc d’indépendants regroupés autour de ce parti afin d’éviter que le barrage électoral des 10 % ne les empêche de siéger au Parlement, le BDP a obtenu 36 sièges, contre 22 lors de la législature précédente. Kurtulus Tayiz, dans Taraf, estime que « le succès incontestable de l’AKP au niveau national est quelque peu atténué par sa performance dans les zones où les leaders politiques kurdes entendaient peser ». « Par rapport à 2007, l’AKP a perdu des voix dans ces provinces du sud-est anatolien [à majorité kurde] où les indépendants du BDP ont réalisés de très bons scores. »

Selon Cevdet Askin de Radikal, « l’arrivée de 36 députés soutenus par le BDP dans un Parlement turc qui va débattre d’une nouvelle Constitution est très important dans le cadre d’une solution à la question kurde et de l’arrêt des violences, alors que le PKK a décrété un cessez-le-feu unilatéral jusqu’au 15 juin. En effet l’importance d’un tel groupe politique qui passe de 22 à 36 députés et qui de ce fait peut jouer un rôle politique important en terme de solution à la question kurde condamne le PKK à prolonger ce cessez-le-feu et à s’abstenir de toute violence. »

Le principal parti d’opposition, le Parti républicain du peuple (CHP), qui oscille entre credo kémaliste et retrouvailles avec la social-démocratie, a progressé de plus de 5 points par rapport au scrutin précédent, atteignant 26 % des suffrages. Pour autant, il est au-dessous des 30 % que d’aucuns lui attribuaient comme objectif et en tout cas bien loin des 49 % de l’AKP. Certains éditorialistes tels que Eyüp Can, rédacteur en chef de Radikal, choisissent ainsi de positiver le résultat du CHP. « Le nouveau CHP, sous la direction de Kemal Kiliçdaroglu, a réalisé une avancée qu’il convient de ne pas minimiser. Certes, avec 26 %, il n’a pas répondu à toutes les attentes mais, grâce à une approche donnant davantage la priorité aux libertés, rejetant la politique du statu quo de son prédécesseur et abordant de front les vrais problèmes du pays, il a, par rapport à 2007, suscité davantage d’intérêt auprès de l’électorat turc », explique-t-il. Markar Esayan, dans Taraf, estime quant à lui que le score, jugé modeste, du CHP s’explique par un message brouillé « où le slogan d’un nouveau CHP entre en contradiction avec la présence sur les listes de ce parti d’inculpés du réseau Ergenekon qui incarne la vieille tradition hyperétatiste du CHP ». Selon Asli Aydintasbas de Milliyet, le CHP n’a pas tant progressé.  « Tandis que l’AKP s’adressait de façon très concrète au portefeuille des électeurs, le CHP s’adressait, lui, à leur conscience avec des sujets plus abstraits en leur parlant de démocratie et d’écoutes téléphoniques », note-t-il.

Oral Calislar, dans Radikal, fait par ailleurs remarquer que « pour la première fois, la Turquie a vécu une élection qui ne s’est pas déroulée à l’ombre de l’armée. Voilà un précédent positif dans un pays où chaque élection était soumise à l’influence des militaires. »

EditRegion12
 

Turquie, Syrie, Israël… redistribution des cartes au Proche-Orient ?

27 juin 2011
Par Jean Marcou http://ovipot.hypotheses.org/5941 => Observatoire de la vie politique turque

aLes derniers jours ont été riches en rebondissements qui amènent à s’interroger sur les équilibres stratégiques au Proche-Orient. Jour après jour, les relations turco-syriennes se tendent à l’extrême, menaçant de rompre et de renouer avec l’inimitié qui les caractérisait il y a encore quelques années, tandis qu’une rumeur et un certain nombre d’indices indiqueraient un réchauffement des relations turco-israéliennes….

Qu’en est-il exactement ? Notons tout d’abord que la concomitance des événements qui affectent les relations de la Turquie avec la Syrie, d’une part, et Israël, d’autre part, est très largement le résultat d’un calendrier difficile qui peut s’avérer extrêmement dangereux pour la sécurité de la région. La dégradation de la situation intérieure en Syrie, qui a provoqué l’afflux de près de 12 000 réfugiés à la frontière turque, se produit au moment même où une nouvelle flottille a entrepris de forcer le blocus de Gaza. En incitant probablement les responsables de l’organisation humanitaire turque IHH à ne pas faire prendre la mer au «Mavi Marmara», au moment où la Turquie doit gérer à ses frontières les conséquences de la répression en Syrie, Ankara a voulu d’abord éviter qu’une crise avec Israël ne vienne compliquer une situation particulièrement explosive à ses frontières. La diplomatie turque va-t-elle pour autant retomber dans les bras de son ancien allié après avoir fait la noce avec un voisin redouté ? Les choses ne sont pas aussi simples.

bIl est pourtant de plus en plus évident que la lune de miel turco-syrienne est bien finie. Le 24 juin, Ahmet Davutoğlu a continué à expliquer que son gouvernement maintenait des relations avec Damas pour inciter le régime baasiste à faire des réformes. Mais sur le terrain, la confiance n’est plus de mise. Le 23 juin dernier, les troupes syriennes ont patrouillé à 500 mètres de la frontière turque. Le 25 juin, les autorités turques ont refusé l’accès des camps de réfugiés en Turquie à une délégation parlementaire syrienne. Une décision qui a été vivement critiquée par l’ambassadeur de Syrie en Turquie, Nidal Kabalan (photo), qui s’est étonné qu’en revanche cet accès ait été récemment permis à une délégation koweïtienne et à l’actrice américaine Angelina Jolie. Le même Nidal Kabalan, dont les critiques ont déjà passablement énervé Ankara, ces derniers temps, est allé plus loin, le 27 juin, en accusant Ankara de laisser se dérouler à ses frontières une contrebande d’armes qui alimenterait les opposants syriens. Il a notamment rappelé qu’un accord de lutte contre le terrorisme avait été conclu entre les deux pays et qu’il impliquait qu’Ankara livre aux autorités syriennes ceux qu’il a appelés «des terroristes ou des chefs de gangs», comme ces dernières ont livré naguère des membres du PKK à leurs voisins turcs.

On comprend donc qu’en ce début de semaine, la presse turque puisse en conclure que «les noces avec la Syrie» sont bel et bien terminées. Selon de nombreux d’experts, et alors même qu’un nouveau camp de réfugiés est en construction, la patience turque serait à bout, et Ankara n’hésiterait plus, le cas échéant, à accepter que des sanctions internationales soient prises contre le régime de Damas dont elle n’attend plus rien. Toutefois, même si ce dernier ne paraît pas réellement en mesure de venir à bout de la révolte qui l’assaille depuis plus de 3 mois, il semble susceptible de s’accrocher au pouvoir et de maintenir la Syrie dans une sorte d’instabilité durable avec tous les risques que cela comporte pour la région. Là est bien le problème.

Cela incite-t-il pour autant la Turquie a revenir vers son allié israélien ? Ce n’est pas tout à fait de cela dont il s’agit, en fait. Aux prises avec la crise syrienne alors qu’une nouvelle flottille est en train de prendre la mer, le gouvernement turc ne peut se payer le luxe d’un conflit avec Israël comparable à celui qui a suivi, l’année dernière, l’arraisonnement du «Mavi Marmara». Dans ces conditions, il est logique que Tel-Aviv profite de l’opportunité pour essayer d’améliorer des relations avec Ankara, qui n’ont pu être normalisées depuis. Benyamin Netanyahou a ainsi lourdement félicité son homologue turc de sa victoire aux récentes élections législatives, et la diplomatie israélienne s’est réjouie de la décision d’IHH de ne pas engager le «Mavi Marmara» dans la prochaine flottille. Toutefois, le 23 juin dernier, dans une interview donnée (ce n’est pas un hasard) au quotidien turc anglophone «Hürriyet Daily News», Danny Ayalon (photo), le vice-ministre israélien des affaires étrangères est allé beaucoup plus loin dans l’offensive de charme de Tel-Aviv. Au moment même où Khaled Mechaal et Mahmoud Abbas, les leaders palestiniens rivaux, étaient reçus à Ankara, il s’est réjoui de l’action de médiation jouée par la Turquie, en déclarant notamment : « L’unité entre Palestiniens est de notre intérêt, de cette façon nous saurons avec qui engager des négociations… si la Turquie souhaite réunir les formations palestiniennes, cela ne nous pose aucun problème… C’est une puissance régionale, elle a un rôle historique à jouer, elle pourrait être en mesure d’influencer le processus de paix. »

Voilà certes une suggestion qui devrait allécher maître Davutoğlu, au moment même où l’on murmure en outre que la Turquie serait prête à assouplir sa position à l’égard d’Israël, parce que le rapport d’enquête de l’ONU sur l’affaire de la flottille (qui doit être rendu en juillet prochain) contiendrait des remarques acerbes sur les liens existant entre le gouvernement de l’AKP et l’organisation humanitaire IHH qui avait affrété le «Mavi Marmara» l’an passé. Il est pourtant peu probable qu’Ankara procède à un revirement complet de ses positions à l’égard de l’État hébreu, ruinant près de quatre ans d’efforts diplomatiques, pour renouer avec le monde arabe. Au moment où Ahmet Davutoğlu s’apprête à entreprendre une tournée qui doit le mener successivement en Syrie, en Arabie Saoudite, en Jordanie et en Iran, il y a de fortes chances pour que la diplomatie turque cherche un peu plus à se positionner en nouveau pivot des équilibres stratégiques proche-orientaux : le pays qui unit «comme de la colle» avait dit, il y a quelques mois avant le printemps arabe, le grand prédicateur de la diplomatie turque ; celui qui parle à tous ses voisins et qui peut aussi se faire entendre des Américains, des Russes ou des Chinois…

Pourtant, dans un contexte proche-oriental en pleine transformation, il ne s’agit désormais plus seulement de démontrer la «profondeur stratégique» de la Turquie, en renouant des liens avec des voisins longtemps ignorés, mais de faire face à la crise ouverte syrienne. De surcroît, ce médiateur turc un peu trop influent et sûr de ses nouvelles vertus, ne risque-t-il pas d’énerver, voire d’inquiéter à la longue, des voisins arabo-musulmans affaiblis et en pleine restructuration intérieure et stratégique. La politique du « zéro problème avec nos voisins » n’est plus au banc d’essai, elle doit désormais faire la preuve de son efficacité en situation extrême. Et les défis qu’elle doit surmonter en l’occurrence ne sont pas minces.

Jean Marcou

EditRegion15
 

Les vieux démons s’installent au nouveau Parlement
jeudi 30 juin 2011, EMRE DEMIR, PARIS
http://fr.zaman.com.tr/fr/newsDetail_getNewsById.action?newsId=5329

Trois semaines après la victoire écrasante du premier ministre Recep Tayyip Erdogan, la confusion a regagné l’arène politique turque. Le parti pro-kurde BDP a refusé de prêter serment au Parlement.

Le 28 juin, les 135 députés du parti kémaliste du CHP ont suivi l’exemple des 35 représentants du BDP : élus lors des législatives du 12 juin, ils ont également refusé de prêter serment. Ils dénoncent notamment l’invalidation de l’élection d’un élu kurde, Hatip Dicle, condamné dans le passé pour « propagande terroriste ». L’objectif du boycott est de faire pression sur Erdogan pour que l’intégration des députés exclus soit possible. Deux partis se plaignent actuellement du mode de gouvernement et de l’inaptitude de la magistrature. Mais ce sont précisément ces mêmes partis qui ont refusé de soutenir les changements constitutionnels que proposait le referendum du 12 septembre 2010. D’autant que le BDP et le CHP savait ou auraient dû savoir que les candidats soupçonnés d’appartenir au réseau putschiste Ergenekon ou au KCK (la branche politique du PKK) pourraient créer des problèmes. Le parti pro-kurde du BDP a fait une grosse erreur stratégique en boycottant le Parlement. La seule façon d’empêcher une répétition de ces décisions injustes est de changer les lois. La seule institution qui peut faire les reformes législatives est le nouveau Parlement. Le BDP a un devoir envers les gens qui ont voté pour lui. Participer au processus de la nouvelle constitution ne serait-il pas une façon de répondre à leurs attentes de résolution profonde du problème kurde ? La crise actuelle pourrait être un moment décisif pour les dirigeants du BDP. Vont-ils décider de se faire la voix de la colère des rues ou vont-ils profiter d’une nette augmentation du nombre de députés présents dans l’hémicycle pour faire changer lentement, politiquement, les choses ? La réponse déterminera si la Turquie va entrer dans une nouvelle ère politique positive ou si elle restera coincée dans les divisions du passé. Les dirigeants du BDP doivent surmonter leurs ressentiments et jouer un rôle constructif pour bâtir une nouvelle constitution plus démocratique.

La Turquie, seul exemple de démocratie pour la Syrie

Le journaliste Khaled Sid Mohand explique que la notion de démocratie évoque aux Syriens la politique de Bush en Irak.

Récemment libéré des prisons syriennes, le journaliste franco-algérien Khaled Sid Mohand évoque la situation de ce pays en proie à des soulèvements populaires. D’après lui, si, avec l’Irak, le Liban et Israël, les Syriens ont une mauvaise image de la démocratie, seule la Turquie représente un modèle.

 

Le journaliste Khaled Sid Mohand, spécialiste de la Syrie, a été libéré le 3 mai dernier après une vingtaine de jours de détention en Syrie. Travaillant notamment pour Le Monde et France Culture et vivant en Syrie depuis deux ans et demi, il était avec la journaliste de la BBC l’un des derniers journalistes étrangers encore présents à Damas. Tabassé pendant sa détention, il a notamment entendu ses co-détenus être quotidiennement torturés. Il revient aujourd’hui sur la répression syrienne et explique que si le peuple syrien ne revendique pas un modèle européen de démocratie, la Turquie reste la seule porte de sortie de la crise dans laquelle s’enfonce le pays. « Quand on leur parle de démocratie, commente-t-il, les Syriens pensent à l’Irak, au Liban et à Israël et ils craignent une division du pays. » D’ailleurs, contrairement à la Tunisie et à l’Egypte, le peuple a d’abord demandé des réformes et non la chute du régime. Même si le terme commence lentement à faire son apparition, la démocratie a plutôt laissé sa place aux demandes de libertés, alimentées par des revendications négatives contre l’oppression, la corruption, l’injustice. Pour les Syriens, explique-t-il, la notion de « démocratie » rappelle les discours de G. W. Bush. Aujourd’hui, l’Irak est symbole de chaos et le Liban est synonyme d’instabilité.

La Turquie n’est pas une « pression occidentale »

La Turquie est, selon lui, pour la Syrie le seul exemple de démocratie qui n’ait pas mauvaise presse. Pour le journaliste franco-algérien, qui vivait et travaillait en Syrie depuis deux ans et demi, la « Turquie est le seul pays qui peut avoir un impact positif sur la Syrie, avec une marge de manœuvre et de légitimité. » D’une part, le peuple syrien porte un regard très positif sur la Turquie qui a l’image d’un pays incarnant le mariage entre modernité et islam. Et c’est le seul pays majoritairement sunnite de la région à soutenir la Palestine. D’autre part, pour un Etat comme la Syrie qui n’a jamais été sous tutelle, la Turquie est un interlocuteur égalitaire qui exclut tout rapport de soumission. « Ce n’est pas comme si des puissances occidentales, comme la France ou les Etats-Unis, faisaient pressions » commente Khaled Sid Mohand. La proximité des deux pays est d’ailleurs une source d’embarras pour une Turquie qui doit se positionner sur la corde raide et qui craint une propagation de la crise. Cet allié privilégié de Damas dans la région perd aujourd’hui patience et pourrait aussi renoncer à soutenir le président Bachar al-Assad, malgré ses promesses de réformes. Mais l’inquiétude se fait de plus en plus sentir dans un pays où 12.000 Syriens ont déjà trouvé refuge alors que le régime de Bachar el-Assad continue de déployer son armée pour mater la contestation.

Bachar al-Assad sous l’emprise de sa famille et des renseignements

Mais pour Khaled Sid Mohand, qui juge la position d’Erdogan juste et modérée, Ankara a suivi un bon timing étant donné que « c’était bien de parier dès le début et quitte à se tromper sur une aile réformatrice du régime, incarnée par le président lui-même, contre l’aile la plus dure. » La Turquie radicalisera progressivement son discours avec la montée des violences. Pour la suite des événements, Khaled Sid Mohand n’est pas très optimiste étant donné la « logique criminelle » dans laquelle s’est enfermé le régime car la fin des tirs ne ferait qu’augmenter le nombre de manifestants. Pour le journaliste franco-algérien la principale difficulté réside dans les pressions indirectes que subit Bachar al-Assad. Car, d’une part, il est fortement probable que les services de renseignement, qui compte six ou sept instances, agissent de façon autonome, échappant à tout contrôle politique. D’autre part, Bachar al-Assad reste fidèle a sa famille à laquelle il est très lié et à l’aile dure du régime qui ne veut pas perdre ses privilèges, alors que le président aurait probablement été réélu à l’issu d’un processus démocratique.

http://www.slate.fr/story/34451/islam-democratie-laboratoire-turc

Quelle constitution pour la Turquie de demain ?
http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/quelle-constitution-pour-la-95912

Alors que l’AKP remporte sa troisième victoire consécutive, la rédaction d’une nouvelle constitution pour la Turquie déchire la sphère politique entre intérêts personnels et soucis de démocratie.

Les élections législatives du 12 Juin 2011 ont vu la troisième victoire consécutive du Parti de la justice et du développement (AKP) avec 49,91% des suffrages, soit 326 sièges au parlement. Son leader Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis 2003, sera donc premier ministre de la République de Turquie pour les cinq années à venir. La Constitution interdisant quatre mandats consécutifs, il devra laisser sa place aux prochaines législatives. Le Parti républicain du peuple (CHP) a obtenu 25,91% des suffrages, soit 135 sièges, alors que le Parti d’action nationaliste (MHP), en nette baisse par rapport aux dernières élections, n’a obtenu que 53 sièges avec 12,99% des voix. Le Parti pour la paix et la démocratie (BDP) a obtenu une trentaine de sièges à l’assemblée.

Critiqué en Europe pour sa confession musulmane, le parti islamo-conservateur au pouvoir depuis dix ans a pourtant amélioré la qualité de vie des citoyens Turcs de façon indéniable. La Turquie est devenue la 17ème puissance économique mondiale, et le niveau de vie de la population s’est considérablement amélioré. Une partie croissante de la population Allemande d’origine Turque migre aujourd’hui vers les grandes villes Anatoliennes, un renversement notoire des flux migratoires qui prouve l’attractivité que la Turquie a gagnée au cours de la dernière décennie.

Sur le plan des libertés individuelles également, le bilan des deux mandats effectués par Erdogan est dans l’ensemble positif. Une modification de la constitution, approuvée par un référendum le 12 Septembre 2010, et mise en place quatre mois plus tard, vise en effet à réduire les inégalités entre les citoyens. Entre autres amendements, La discrimination positive a été introduite pour les femmes, ainsi qu’une garantie des libertés individuelles, notamment en faveur des minorités ethniques et religieuses. Ainsi, les minorités telles que les Juifs d’Istanbul, les orthodoxes et les Grecs ont-elles votées massivement en faveur de cette révision de la constitution, bien qu’elle fût proposée par un gouvernement de tendance musulmane. Ces changements avaient pour but de mettre le pays en conformité avec les exigences d’adhésion à l’Union Européenne.

La modification de la constitution a également considérablement réduit le pouvoir des militaires sur l’Etat. Depuis la fondation de la Turquie en 1922, les hauts fonctionnaires de l’armée se sont investis de la fonction de protéger la république laïque. Quatre coups d’Etat militaires ont marqué l’histoire de la République entre 1960 et 1997, lesquels furent déclenchés dans un soucis de protéger l’héritage kémaliste de la Turquie contre des dirigeants que les militaires estimaient dangereux pour l’équilibre du pays. L’armée possède également un véritable droit de regard sur l’administration d’Etat à travers le Conseil de sécurité nationale, fondé en 1961 et transformé en véritable instance de contrôle du gouvernement par la constitution de 1982. Qu’une élite autoproclamée dispose d’un pouvoir supérieur à la volonté populaire constitue une faille dans le processus de démocratisation de la Turquie.

La réforme de la Constitution de 2010 a donc également massivement restreint les pouvoirs de l’armée sur le milieu politique. Les militaires ne disposeront plus comme autrefois d’une immunité politique pour avoir organisé des coups d’Etat mais devront être jugés. Ce sera le cas des fomenteurs présumés du coup avorté de 2003 qui aurait eu pour but de renverser le parlement. Cette mise à égalité des militaires devant la loi renforce la limitation des pouvoir du corps de l’armée qui avait déjà commencée de fait par la victoire de l’AKP en 2001, soumettant les préférences du Conseil de Sécurité National à la volonté populaire.

Cette réforme de la constitution a également vu un renforcement de l’exécutif. La cour constitutionnelle a été réformée et ne plus bannir un parti politique avec la même facilité qu’auparavant, et si un parti est interdit, ses adhérents ne sont plus exclus de la sphère politique. De plus, trois des juges seront à présent désignés par le parlement, et quatorze par le Président de la République.

Les détracteurs de l’AKP, notamment le CHP, parti d’héritage kémaliste, et le BDP pro-Kurde, voient dans ces modifications un moyen pour Erdogan de transgresser la constitution laïque du pays. Il est évident que la cour constitutionnelle exerce aujourd’hui un contrôle bien moins strict sur le gouvernement, mais si cette évolution va dans le sens d’une plus grande autonomie des institutions de l’Etat au détriment d’un control militaire autoritaire, il est indéniable qu’il s’agisse d’une avancée de la démocratie. Il reste cependant à craindre que la cour constitutionnelle ne gagne pas en indépendance. Si elle passe du contrôle des militaires à celui de l’exécutif, elle ne sera toujours pas en mesure de maintenir les fondements de la constitution de manière impartiale.

Au lendemain des élections, la majorité au parlement n’est pas suffisante pour appeler à un référendum pour une nouvelle constitution. L’AKP ne dispose pas en effet des 330 sièges nécessaires. Le parti majoritaire devra donc créer une alliance, probablement avec le CHP, pour élaborer un projet pour une nouvelle loi fondamentale. Après l’annonce des résultats, Erdogan a réaffirmé sa volonté de poursuivre son projet devant ses supporters : "Le peuple nous a transmis le message d'élaborer une nouvelle Constitution à travers le consensus et la négociation".

La nécessité de rédiger une nouvelle constitution est d’ailleurs reconnue par tous les grands partis. La constitution actuelle, rédigée en 1982 à la suite du coup d’état militaire de 1980 ne correspond plus aux attentes d’un pays moderne et démocratique. Cependant, le consensus sera difficile à atteindre car les différents membres de la nouvelle assemblée n’ont pas la même vision de ce que devrait être cette nouvelle constitution. Le CHP, qui s’est éloigné sous l’égide de Kemal Kılıçdaroğlu de sa tradition kémaliste autoritaire fondée sur un contrôle de l’état par l’armée a fait des propositions pour un nouveau texte. Elle contiendrait notamment une baisse de la barre de représentation au parlement à 5%, et une nouvelle législation sur l’interdiction des partis politiques. Ces propositions rejoignent celles du parti pro-Kurde BDP, qui avait rédigé une proposition de constitution lors du référendum pour la réforme de la constitution de 2010. Les projets de l’aile gauche du parlement pour la Turquie se rapprochent de la sociale démocratie à l’Européenne. L’AKP n’a pourtant pas émis de propositions concrètes, hormis une volonté de transformer le système parlementaire en régime présidentiel, ce qui permettrait à l’actuel premier ministre de se représenter aux prochaines élections.

Cette ligne de politique qui semble avoir pour but principal de maintenir Erdogan au pouvoir est inquiétante dans la mesure où le gouvernement actuel a connu des dérives autoritaires ces derniers temps, notamment au travers d’une coercition exercée sur le monde de la presse à travers l’emprisonnement de journalistes opposés au gouvernement. La vigilance est de mise, d’autant plus que la réorganisation du juridique place la cour constitutionnelle sous l’égide de l’exécutif. Il faut noter également que la Turquie est toujours classée parmis les régimes hybrides par l’indicateur de démocratie de l’hebdomadaire britannique The Economist, en 89ème place sur 167 avec un indice de 5.3 sur 10.

Mais la Grande Assemblée Nationale de Turquie n’est pas aux mains d’un parti unique, et l’on peut espérer que les négociations qui vont devoir s’opérer entre l’AKP, le CHP et le MHP vont aboutir à un projet de constitution durable qui respectera la séparation des pouvoirs et assurera la continuité de la république laïque de Turquie. Le CHP se pose aujourd’hui en garant de la défense des libertés individuelles avec sa forte présence au parlement, comme un contrepied au gouvernement d’Erdogan. Après une âpre campagne électorale, les deux grands partis vont être obligés de travailler ensemble à la rédaction de la nouvelle constitution.

 
 
 
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Agora Vox :
par Adrien Steck jeudi 30 juin 2011 - 12 réactions