Mivy décoiffe, car il est fait par un chauve

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Derière mise à jour 25-Fév-2024
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Les sequelles de l'esclavage

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Une expression maladroite lors d'une émission de télévision a mis en évidence le traumatisme subi par les populations antillaises par les longs siècles d'esclavage pendant lesquels on avait tenté de retirer l'humanité à leurs ancêtres. La reconnaissance de leur souffrance leur permettra-t-elle de recouvrer l'estime de soi ? Nous en avons tellement besoin pour nous enrichir réciproquement.

Christine Angot est une romancière, lauréate de plusieurs prix littéraire, elle a été choisie par Laurent Ruquier pour participer à l'émission emblématique "On est pas couché", ou des personnalités très diverses discutent d'un peu tous les problèmes de société de notre vaste monde. Elle n'est pas aimée par tout le monde, car elle s'était opposée à François Fillon lors de la dernière présidentielle, aux insoumis, à Europe-écologie etc... mais c'est traditionnellement l'ADN de l'émission "on est pas couché" de de réveiller l'opinion par des propos excessifs faisant réagir. C'est la dure loi du genre, pour faire de l'audience, il est bon de choquer les gens. Lorsque je mets sur Facebook un article bien documenté, longuement réfléchi sur un sujet de fond, j'ai très peu de "j'aime", et beaucoup d'indifférence, mais si j'écrivais une bêtise du genre "Ce matin le président à pété dans sa baignoire" je suis sûr que j'aurais des pages de commentaires.

Lors d'une émission Christine Angot a profité du passage de Franz-Olivier Giesbert pour son livre sur l'Allemagne nazie, pour dénoncer la "concurrence des mémoires". Elle a tenu à expliquer la différence entre un génocide, c'est à dire une volonté exterminatrice, et l'esclavage, voici ce qu'elle a dit et qui est très mal passé dans l'opinion.

Non, ce n'est pas vrai que les traumatismes sont les mêmes, c'est pas vrai que les soufrances infligées aux peuples sont les mêmes, ce qui est intéressant dans la période qu'on vit aujourd'hui, c'est que précisément, une des difficultés, c'est que, avec cette histoire des concurrences des mémoire, qui crée une chose vraiment qui est terrible, «il ne faut pas de concurrence des mémoires, tout ça, c'est pareil tout le monde a souffert et les souffrances sont toutes à égalité »

A force de vouloir indifférencier, banaliser, les uns et les autres cela conduit à l'indifférence de ce qu'a vécu un groupe de personne ou une personne en particulier et là par exemple, on l'a rappelé tout à l'heure, en parlant avec Ginette Kolinka, en parlant de camp de concentration et de camp d'extermination, le but avec les juifs, pendant la guerre a bien été de les exterminer c'est à dire de les tuer, et cela introduit par exemple une différence fondamentale, alors qu'on veut confondre, avec par exemple la shoah, avec l'esclavage des noirs envoyés aux Etats Unis ou ailleurs, où c'était exactement le contraire l'idée est qu'il soit en pleine forme, en bonne santé, pour les vendre et pour qu'ils soient commercialisable donc, c'est pas vrai que les traumatisme sont les mêmes, il n'est pas vrai que les souffrance infilgées aux peuples soient les même c'est pour cela qu'on doit être attentif chaque fois aux détails, à la particularité, et le roman permet ça.

Christine Angot a raison de distinguer le génocide de l'esclavage. Les nazis ont pratiqué les deux. Des opposants, des résistants étrangers y compris français, des éléments jugés indésirables, des prisonniers civils ou militaires russes ou ukrainiens ont été réduits en esclavage, privés de tout, affamés, maltraités, mal soignés, beaucoup sont morts d'épuisement dans des usines ou dans des mines, les carrières ou les forêts.

« Ceux qui travaillaient dans des usines métallurgiques ont fait face à un destin particulièrement dur : manque de sommeil, travail éreintant et faim constante. « (*Nous mangions une fois par jour, un bol de soupe, avec une carotte », a écrit Antonina Serdioukova au sujet de sa vie dans une usine située près de Dresde. Le rutabaga est un souvenir commun pour tous ceux qui ont vécu en captivité - c’était le légume le moins cher possible : il était jeté aux travailleurs non lavé, racine et légume mélangés. Dans ces conditions, les épidémies de typhus et de paludisme étaient courantes. »
A la libération, un grand nombre d'entre eux ont quand même pu rentrer chez eux.

Aucun rapport avec le sort destiné aux juifs, les nazis ne souhaitaient pas les utiliser pour remplacer les soldats allemands envoyés au front, mais les exterminer jusqu'aux derniers. En Ukraine, ils ne raflaient pas les gens pour les envoyer travailler, mais ils fusillaient ceux qu'ils n'avaient pas brûlé vivants dans les synagogue. Ils déportaient et gazaient le jour de leur arrrivée à Auschwitz les juifs polonais, allemands, français ou hongrois. Et je ne vous parlerai pas du sort des millions d'enfants et de bébés. 
Les esclaves apparaissaient comme des privilégiés.

Christine Angot, n'a pas comparé le sort des juifs et des esclaves d'Hitler, mais à celui de la traite des esclaves africains sous l'ancien régime. Par ce qu'un individu en bonne santé valait plus cher qu'un malade, elle a laissé supposer que les marchands prenaient bien soin d'eux, et qu'ils devaient être bien traités. Mais pour les négriers, ce qui comptait c'était la marge bénéficiaire, donc la réduction des coûts. Les marchands économisaient sur tout, nourriture, confort, salubrité. Considérant les africains comme des objets de peu de valeur, la vie d'un individu n'avait guère d'importance. 
Ces voyages d'Afrique aux Amériques ont été comparables aux trains de déportés nazis, l'horreur, mais la plupart arrivaient vivants au bout de l'enfer et leur "transports" n'avait pas coûté bien cher à leurs persécuteurs. Un bon esclave était obéissant, et pour cela, il fallait le déshumaniser.

En tout état de cause, elle pouvait comparer le sort des esclaves d'Hitler dans les camps de concentration et celui de ceux qui étaient voués à l'extermination, mais comparer des drames aussi différents que l'esclavage et la shoah a été une maladresse.

Des réactions très violentes

Des milliers de personnes ont réagit, quasiment toutes hostiles à Christine Angot, certaines coordonnées, car on trouvait le même texte chez beaucoup de monde, la plupart lui reprochait d'avoir dit que les nègriers souhaitaient mettre sur le marché des esclaves en pleine forme, donc qu'on se serait préoccupé de leur santé. 
Elle a été traitée de raciste, d'être esclavagiste et des sentiments antisémites ont souvent transpiré.
Les réactions ont été si violentes et si nombreuses, que la chaîne a décidé rapidement d' effacer tous les commentaires du public sur cette émission. Heureusement, la page Facebook est restée en ligne, et j'ai pu relever pour vous quelques réactions symptomatiques

Shirïne Hanane 7 juin, 19:22 ·.. Bah quoi!!!!! Tu savais pas que l'esclavage c'etait en fait pour le bien de ces noirs !!!!!!
PUTAIN ils disent même pas merci les cons Vas y vomi et elle qu'elle crève avant de continuer à dire de la merde

Gabriel Zagabe Merveille Tawab 
J'avais suivi ce sale jeu de propagande médiatique d'une idéologie de plus en plus en croissance. Elle se serait excusée (excuse que moi je juge hypocrite) mais son objectif est bel et bien atteint. 
Il s’agit de jouer au chaud et froid dans un sujet de si grande sensibilité de l’histoire du peuple noir, pour voir d’un côté si ça passe, d’autre part et le plus important, tout simplement d’injecter dans la conscience collective la graine du mépris de cette partie de l’histoire d’une partie de l’humanité au profit d’une autre comme si d’une compétition s’agissait ou qu’il existerait deux humanités.
Ces sorties incendiaires ne sont nullement anodines, bien le contraire, très souvent calculées et surtout planifiée... dans l’art de la propagande « manufacturing consent », un bel ouvrage qui dit beaucoup sur la technique de Noam Chomsky, Edward S. Herman. 
La honte à cette chaîne publique française. Elle devrait rectifier!

Dimitri Caille 7 juin, 06:37 · « L’idée de l’esclavagisme c’était de les rendre plus fort ...» Content d’apprendre que mes ancêtres reduit à l’esclavage étaient finalement en vacances 
... Les gens ne comprennent pas que pendant des siècles la population noire fut traitée comme etant inférieur à des animaux. On ne peut pas oublier cela aussi rapidement et encore moins arrêter d’en parler ou minimiser l’acte....

Greg David René Audebrand Son regard monte clairement une déséquilibrée mentale à un haut degré. Laisser exposer les idées de dingues complets est un des traits de notre époque. Qu'on ne se plaigne pas ensuite de l'état général du monde.

Keks De Kastelbajac Rien ne sera fait. Maintenant on peut dire tout et n’importe quoi sur le service public sans risque d’être sanctionné. Elle a juste prouvé ce que je dis depuis longtemps, en France il y a une hiérarchisation des souffrances...

Bertrand Ngounou la meilleure réponse qu'on peut lui faire sur le sujet par Dieudonné Officiel https://www.youtube.com/watch?time_continue=791... Gérer YOUTUBE.COM Dieudonné répond à Christine Angot

Tim Ajavon 5 juin, 00:06 · Qu'est ce que le peuple noir a fait au monde pour mériter tant d'inconsideration humaine ???

Tamou Tam‎ à #DeboutMayotte 4 juin, 21:26 · nos ancêtres passés des beaux vacances a bords des paque bots!!!

Peyton Kelvin 4 juin, 18:02 · Minimiser la souffrance liée à l’esclavagisme... c’est encore plus facile lorsque c’est 400 ans non documentée... Alors là Francine tu peux y aller, c’est buffet à volonté en direct. 
Bravo. Et c’est toujours ceux/celles qui sont le moins concerné.e.s a qui on donne le micro. Les BHL qui nous sont vendus comme des philosophes et grands érudits du siècle

Priscilla Dingituka Lienhard 4 juin, 13:22 · Elle est malade cette femme ou quoi?
Et personne réagit sur le plateau même le présentateur. Pff c’est bientôt la fin du monde Merci madame Christine Angot de minimiser la mémoire et la souffrance de mes ancêtres.

Fabrice Trazié 3 juin, 20:24 · Les blancs toujours vous a vouloir à tout prix exprimé nos souffrances à notre place , C’est parce que vos ancêtres ne l’ont pas vécu que vous êtes si à l’aise pour manquer de respect a tant d’années de souffrance , de tueries. Apprenez à la fermer au lieu de blablater sur des sujets dont vous êtes les coupables mais dont vous voulez absolument prouver votre innocence inexistant.

Des excuses publiques

Christine Angot s'est excusée, elle ne souhaitait pas soulever une telle tempête, et avait pas très largement sous estimée le traumatisme de l'esclavage, et sa mémoire toujours brûlante parmi la population antillaise.

" Je suis désolée de ne pas avoir réussi à me faire comprendre, et d'avoir blessé par mes propos, j'ai voulu rapprocher les deux crimes contre l'humanité que sont l'esclavage et la shoah.... l'expression en bonne santé était bien sûr absurde, le propriétaire exerçait sur eux le droit de vie et de mort. L'indifférenciation pouvant conduire à l'indifférence, je n'ai pas su trouver les mots et je le regrette,mon travail est de me faire comprendre, je m'excuse d'avoir échoué, il me tenait à coeur d'éloigner la concurrence des mémoire "

Au cours de cette émission Laurent Ruquier a invité a invité Serge Romana, président-fondateur de la Fondation Esclavage et Réconciliation, Dominique Sopo, président de l'association SOS Racisme et Frédéric Régent, président du Comité National pour la Mémoire et l'Histoire de l'Esclavage.

J'ai retenu l'intervention de Serge Romana, il s'est battu longtemps pour qu'il y ait en France une journée souvenir de l'esclavage, et a mené un combat très dur, comprenant une grève de la faim. Enfin, il a obtenu qu'à côté du 10 mai qui commémore l'abolition de l'esclavage, on fasse du 23 mai la Journée Nationale en hommage aux victimes de l’esclavage colonial, il a expliqué que la France honorait la République abolisionnisme le 10 mai, mais oubliait les victimes.
« En 1998, on a décidé enfin d'honorer la mémoire de nos parents, il faut parler de la spécificité du crime de l'esclavage colonial, car il a fondé une société. Il n'y aurait pas eu d'escalvage, il n'y aurait pas eu d'antillais, les Antilles ont 400 ans dont 213 vécues dans l'esclavage. La conséquence est la perte de l'estime de soi. On a pas pris conscience de ce traumatisme. »

« Toute une série de chose rappelle le non respect. Par exemple, il y a une chaine spécifique de France ô on a décidé de la fermer. La république a une position de mépris par rapport à l'outre mer. Une suffisance intellectuelle qui veut qu'on invite pas les spécialistes. Il y a une incompréhension. A la fin de l'esclavage en 1848, les officiers d'état civil ont donné des noms, juliette agée de 30 ans et son petit garçon ont été affublé du nom de Romana. Pendant longtemps c'était la honte, nous n'existions pas avant l'esclavage contrairement aux juifs ou aux arméniens qui existaient avant le génocide. »

Les propos tenus à la télévision par Serge Romana sont très modérés, même si on sent chez lui, un self contrôle, une passion, et une douleur qui est loin d'être éteinte. Il faut prendre très au sérieux ce ressenti se traduit par des mouvements politiques indépendantistes aux antilles, et par une tentation raciste et antisémite encouragée en France par un mouvement comme les "Indigènes de la République".

Ce n'est pas un hasard si l'esclavagisme arabo-musulman est oublié, comme la complicité des potentats africains. Les reproches sont peut être un hommage involontairement rendu aux sociétés européenes. On les aurait rêvé exemplaires, alors qu'on attendait rien des barbares.

Le racisme n'est pas une spécificité européenne et américaine, c'est un sentiment malsain qui peut se développer dans toutes les sociétés, la mienne comme la vôtre. L'exemple des juifs est omniprésent, attirance, admiration, révultion se confondent, on le voit dans la photo ci dessus où on affiche des noms, comme dans le mémorial de la Shoah, et cela reste de l'imitation.

Le manque d'estime de soi peut conduire à des comportements dangereux et destructeurs, j'ai été enseignant au Cameroun pendant un an, et malgré mes efforts je n'ai pu avoir de relations saines avec les camerounais, les plus simples nous prenaient pour des demi dieux, et les autres pour des demi diables. Les collègues nous jalousaient inconsciemment, car à travail égal, nous gagnions le double sans avoir de charges de famille. Les seuls avec qui j'ai eu des relations sincères, c'était avec des artisans, des artistes qui se savaient admirés pour leur travail, ils savaient que nous étions incapables d'en faire autant, et fier d'eux même, nous nous considérions chacun dans nos spécialité, comme des gens honorables, nous étions égaux, nous pouvions être amis.

Les Arméniens et les juifs ont été victimes de tentatives d'extermination, mais ont eu un passé à raconter, ils peuvent se revendiquer de "glorieux ancêtres", d'une civilisation ayant laissé des oeuvres d'arts reconnues, il n'en est rien pour les antillais fils d'esclaves, de personnes dont les ancêtres ont été considérés comme des animaux. L'Afrique Noire n'a pas eu de grande civilisation antique à montrer, alors elle cherche des modèles chez les européens, ou chez les arabes, mais ils sentent bien que ces modèles ne sont pas les leurs. 
Quitte à mentir un peu, ils ont besoin de se réinventer un passé qui soit bien le leur, et qui mette en avant leurs longues traditions artistiques en art plastique, en musique, leur sagesse exprimée par des contes merveilleux etc...
Le sentiment d'être admirable et admiré est indispensable à chacun d'entre nous, et l'autre se voyant dans notre regard a besoin de cette reconnaissance.

Michel Lévy

(*) https://fr.rbth.com/histoire/82263-sovietiques-esclavage-allemagne-nazie