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Derière mise à jour
07-Déc-2024
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Un pays dirigé par des clans
Le Liban est resté un pays féodal, dans la mesure où des seigneurs le dominent, avec un réseau de vassaux et de clients. Les mêmes familles, très puissantes dominent des fractions entières de la population, par exemple, la famille Joumblatt domine la montagne druze, les Frangié sont les seigneurs des chrétiens du Nord Liban, le clan Hariri (Saad Hariri a la double nationalité Saoudienne et Libanaise et est né à Ryad) domine les sunnites, Nasrallah du Hezbollah et Nabih Berri d’Amal contrôlent les chiites etc…. Le Général Michel Aoun a conquis une grande popularité en s'opposant à la domination syrienne, puis il en a profité pour se rallier au Hezbollah, et devenir le président de la République. Tous ces messieurs, et beaucoup d'autres, qui chacun possède son fief, se disputent le pouvoir qui reste entre leurs mains. La situation économique est mauvaise, et le peuple a soif de sang neuf.
Une union nationale factice forgée par la crainte des ennemisL’union nationale, de façade se fait contre les ennemis extérieurs ou intérieurs, l'ordre du jour des armées, comprend cette phrase ahurissante : "Le postulat de l'armée est que les israéliens sont nos ennemis". On les soupçonne d'avoir des ambitions impérialistes sur les eaux du Sud Liban, et de vouloir s'immiscer dans les affaires libanaises. On leur reproche surtout d'avoir expédié au Liban en 1948 des foules de Palestiniens, et de refuser de les récupérer.
On accuse les palestiniens d'être des ennemis de l'intérieur, et d'être responsables de la guerre civile, les libanais veulent s'en débarrasser. La Syrie non plus n’est pas en odeur de sainteté, elle n'a jamais reconnu l'indépendance du Liban qu'elle considére comme une partie de son territoire national. Mais étant arabes et musulmans, les syriens sont moins mal vu que les israéliens, il existe souvent des liens familiaux entre syriens et libanais.
Depuis, la guerre civile syrienne a amené au Liban une foule de réfugiés, pauvres parmi les pauvres, dont les libanais rêvent de se défaire sans en avoir les moyens.
Le Hezbollah, état dans l’état est appelé « la résistance », et justifie son emprise sur l’état par son rôle de bouclier contre les agressions israéliennes, il dispose d’une force militaire redoutable, d’une propagande efficace, de l’appui iranien, il contrôle les entrées et sorties du Liban, a de ressources considérables provenant du trafic de drogues, et des subsides iraniens, ce qui lui permet « d’acheter » les populations chiites qui peuplent le Sud du Pays et la plaine de la Bekaa, en leur offrant des avantages matériels et des emplois.
La crise économique et sociale met à mal l'édifice politique
La situation économique du pays est mauvaise. Après avoir atteint des niveaux de croissance record entre 2007 et 2010 (8% en moyenne), tirés par le programme de reconstruction qui a suivi la guerre civile, la croissance économique libanaise s'est ralentie depuis 2011 en raison de tensions politiques internes et du conflit en Syrie. La croissance du PIB est estimée à 1% en 2018 (FMI), en 2019, ce taux devrait encore descendre autour de 0,5%. Alors que les moteurs traditionnels de la croissance au Liban (immobilier, construction et tourisme) ont montré des résultats modérés. La Banque centrale a été obligée de prendre des mesures contre la pénurie de dollars.
L'agences Moody's envisage de dégrader la note de ce pays dont la dette dépasse 150 % du PIB, alors que le déficit des paiements courants est le deuxième plus important du monde. La dette publique est, elle aussi parmi la plus élevée du monde. Chaque année, l’État libanais doit consacrer un tiers de ses ressources au seul paiement des intérêts.
Suite à la demande des créanciers, Saad Hariri a annoncé un programme de privatisations – dans les secteurs des télécommunications et de l’énergie notamment – et une série de mesures d’austérité – coupes dans les dépenses publiques, réduction des pensions de retraites, hausse des taxes – très mal perçues par une population déjà soumise à un quotidien. Miné par la pauvreté et les inégalités, le Liban est également gangrené par la corruption.
Des manifestations dans tout le pays
Tout cet édifice factice est en train de se fissurer dangereusement, suite à l’annonce de nouvelles taxes sur les cigarettes, l’essence, et surtout sur les appels effectués par l’application Whatsapp.
Jeudi 17 octobre, le ministre libanais des Télécoms, Mohamed Choucair, annonce une nouvelle taxe sur les appels passés via les applications WhatsApp et Viber. À hauteur de 20 centimes de dollar (18 centimes d'euro), cette taxe permettrait, selon lui, de rapporter 200 millions de dollars par an à l'État. WhatsApp et Viber sont très utilisée au Liban où le coût de la téléphonie mobile est particulièrement élevée. Ceci a provoqué un mouvement d’opinion sans précédent contre l’ensemble de la classe politique. Routes bloquées, barricades de pneus en flammes… Les protestataires, qui n'épargnent aucun camp, se révoltent contre une élite politique qu'ils accusent d'avoir pillé le pays, alors que le Liban se rapproche de l'effondrement économique. Tous les secteurs de la population sont concernés, une immense chaîne humaine s’est formée du nord au sud du Pays.
Aucun secteur n’est épargné. Même le Sud, théoriquement bien contrôlé par le Hezbollah a vu la contestation et l’armée, a donné des signes de fraternisation. Les manifestants n’hésitent plus à scander « Le peuple veut la chute du régime » et « Révolution ! ».
Il est remarquable de noter que dans les manifestations, le seul drapeau brandi a été le drapeau libanais, ni drapeau palestinien, ni drapeau du Hezbolah, des phalanges ou autres.
Certains manifestants ont eu l’idée de brûler un drapeau israélien, mais parfois ils ont été empêché de le faire ; il ne fallait pas détourner la colère de sa véritable motivation : la foule veut des dirigeants honnêtes qui pensent d’abord à l’intérêt des libanais.
Le premier ministre, Saad Hariri, premier ministre après avoir promis des réformes a démissionné en catastrophe, les médias avaient mis en évidence un don de 35 millions de dollar en faveur d’un mannequin avec qui il avait eu une relation éphémère !
Dans la soirée, du 19 octobre l’une des composantes de la coalition au pouvoir, le parti des Forces Libanaises (chrétien) annonce la démission de ses quatre ministres. « Nous sommes convaincus que le gouvernement n'est pas en mesure de prendre les mesures nécessaires pour sauver la situation », affirme son chef Samir Geagea, lui-même l’un des plus vieux caciques et seigneurs de la guerre du pays. La foule applaudit mais scande « Tous signifie tous !», visant l’ensemble des dirigeants.
Le danger vient du Hezbolah
Les manifestations continuent, et la contestation s'étend jusque dans les territoires chiites, tenus en main par les mouvements pro iraniens. La hiérarchie chiite a approuvé officiellement les manifestants contre le pouvoir corrompu, au moins à son début, en espérant tirer les marrons du feu, mais les manifestants leur ont fait comprendre qu'ils comptaient Nassralah parmi les dirigeants corrompus qui doivent démissionner. Alors la tactique a changée le leader chiite s'est tu, mais a lancé des commandos anonymes pour attaquer les manifestants. La stratégie est de casser le mouvement, en semant la peur. Il faut savoir qu'en même temps, les Ayatolah en Iran ont brisé d'immenses manifestations hostiles, en privant d'internet les manifestants, et en utilisant la force, des centaines de personnes ont été à proprement parlé assassinées et des milliers d'autres arrêtées, et on ignore leur sort.
Les militants du CPL, le parti de Michel Aoun, le président chrétien allié au Hezbollah menacent les habitants réfractaires dans plusieurs villages fidèles à la famille Gemayel (Kataëb). Des meurtres ont été commis contre des manifestants par des sympathisants du Hezbolah. Ailleurs, des permanences du CPL ont été incendiées par des anonymes, masqués, bien distincts des manifestants qui sont restés pacifiques et dignes.
Le président lui-même est déboussolé par les manifestations, il est allé jusqu'à dire aux manifestants : "Si le pays ne vous plait pas, vous n'avez qu'à émigrer" ! ! autrement dit, si le peuple est mécontent du président, le peuple peut démissionner ! !
Le climat devient de plus en plus tendu, sur le site de l'Orient le jour, je lis les contributions des lecteurs, et des insultes parfois violentes peuvent être trouvées contre les partisans de la milice chiite et son guide.
La volonté d'éviter à tout prix une guerre civile s'exprime
Des libanais manifestent contre la guerre civile, car les souvenirs sont trop douloureux. On remarque en ce sens la mobilisation des femmes.
Voici deux contributions prises sur l'Orient le Jour, elles traduisent bien l'esprit qui domine parmi les lecteurs de ce journal.
Tous ces chefs de parti hais, tous ces faux dirigeants, tous ces voleurs, tous ces assassins, tous ces traîtres, tous ces laquais-valets, tous ces carpettes au service des étrangers auront la même fin que Nouri el-Saïd et de Nicolas Ceausescu !
Le peuple libanais de toutes les communautés les vomira le jour J sans aucun pardon.
TANDEM SHIITE ET CPL VEULENT POUSSER LE PAYS VERS DES JOURS HONNIS. LA CONTESTATION EST ECLAIREE ET NE SE LAISSE PAS ALLER A LEUR JEU. ET LE PLUS IMPORTANT LE PEUPLE LIBANAIS... TOUT LE PEUPLE LIBANAIS... NE SE LAISSERA PAS ALLER A CE JEU ABJECT ET CRIMINEL.
Mivy ne peut qu'encourager les Libanais à rester unis, à tout faire pour éviter les violences, et à se focaliser sur leur pays en se méfiant de toutes les interventions étrangères.
Je leur souhaite de se trouver de nouveaux dirigeants honnêtes et compétents, même si je sais que dans le monde entier cette sorte de personnage est plutôt rare !
Michel Lévy