Mivy décoiffe, car il est fait par un chauve

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Derière mise à jour 25-Fév-2024
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La Famille Roubach

 

La Famille Roubach vient de Tlemcen, (*) mais leurs ancêtres sont de Tétouan, où Joseph Aroubache est né vers 1820, nous avons ici la photo de son frère Nessim. 

Le nom Roubach semble alsacien, mais l'écriture a probablement été enregistrée ainsi grâce à un employé d'état civil, on a pu lire sur des documents ancien que Joseph s'appelait plutôt "Aroubache", en effet il signait ainsi : " ארובש "

La famille viendrait d'Espagne, et aurait pour origine celui d'un bourg castillan près de Madrid, le nom aurait la même origine que les noms Arrouas, Rouach, Rouah etc... Il paraîtrait qu'on trouve des Roubache musulmans en Kabylie, et que la terminaison Bache en berbère voudrait dire Lion. En Algérie on prononçait Roubache, et en france on prononce Roubach. Le gouvernement Macron, de juillet 2023 a nommé Sabrina Agresti Roubache comme secrétaire d'état à la ville, son nom viendrait de ses origine algérienne, son père serait issu de l'immigration. Donc le nom Roubache existe aussi chez des musulmans, j'ignore s'ils ont la même origine.

Il existe des Roubach d'origine Alsacienne, leur ancêtre s'appelait Barouch, (Prononcer ch à l'allemande, Kh) Bénédicte en français, lorsqu'en 1808 Napoléon a demandé aux juifs de prendre des noms et prénoms, un Barouch, a choisi Roubach l'anagramme de son nom. C'était la coutume, les noms Weil ou Veyl sont les anagrammes de Lévy. Il n'y a aucun lien de famille entre les Roubach d'Algérie et d'Alsace.

Il existe aussi des Roubach (j'avais un collègue portant le nom de Rybak => Y se lisant "ou" en russe, on découvre le même son que Roubach) venu d'Ukraine, le mot roubachka en russe signifiant chemise, ils sont descendants de marchands de chemise.

Il est amusant de voir des Roubach d'Algérie, d'Alsace ou d'Ukraine porter le même nom, être tous d'origine juive, et pourtant n'avoir aucune origine connue commune. Cela montre bien qu'un même mot peut avoir plusieurs étymologies.

    On ne connaît rien sur Makhlouf, ni sur son père sauf leur nom, par contre on sait que Joseph était colporteur, qu'il partait pour toute la semaine avec sa "petite diligence", à travers les villages et qu'il rentrait le vendredi soir exténué.

Il s'est marié avec Hannah Moutot, qui appartenait à une famille plus riche que lui, et le contrat passé avec son épouse montre bien la dure situation du mari peu fortuné.

 

Entre les sous signés, Madame Anna Moutot, commerçante, demeurant à Tlemcen, épouse séparée de biens d'avec le sieur Joseph Roubache, aux termes d'un acte M° Mayaudon, notaire à Tlemcen, en date du onze novembre 1896, et M Joseph Roubache employé, demeurant aussi à Tlemcen, d'autre part 
Les quels ont arrêtés entre eux : 

Le sieur Roubache loue son travail à la dite dame Anna qui accepte pour une durée de dix années à compter de ce jour avec faculté réservée à la dite dame de faire cesser le présent bail quand bon lui semblera.

Il sera employé à la vente dans Tlemcen et ses environs des tissus,

nouveautés, couverture, bonneteries, chaussures et autres articles du genre français, que la dite dame lui fournira à cet effet.
    Il pourra en outre être chargé de l'achat au comptant d'autres marchandises, sur les ordres qui lui seront donnés à cet effet par la dite dame Anna, avec les fonds que lui fournira cette dernière.
     En conséquence, tous les fonds, marchandises, et autres objets mobiliers de toute nature et valeurs qui e trouveraient en possession et à la disposition du sieur Roubache pendant la durée de son engagement et jusqu'à l'apurement définitif de ses comptes y compris un cheval et une voiture et autres objets mobiliers à son usage pour le colportage des marchandises, seront de plein droit la propriété de la dite dame Anna Moutot. 
         Le Sieur Joseph Roubache se reconnaît déjà en possession d'un cheval rouge, âgé de sept ans, avec son harnachement complet et une voiture dite petite diligence.
           Au moyen de l'exécution des obligations qui précèdent, la dite dame Anna s'oblige à payer au sieur Roubache, à titre de salaire la somme de quarante cinq francs par mois, la dite somme sera destinée pour nourrir et entretenir ce dernier.


L'aîné des enfants de Joseph Roubach ont eu à leur naissance des prénoms hébraïques, mais rapidement, ils ont tous préféré avoir des prénoms français, ainsi l'aîné Haïm, devient il Emile, Makhlouf devient Adolphe, ce qui n'était pas nécessairement un bon choix, mais à l'époque on ne pouvait pas deviner ! El-Rhali devient René, Mardoché devient Marcel, et Salomon s'est fait appeler Paul. Quant aux filles, Fortune et Julie, j'ignore si elles avaient à leur naissance un nom hébraïque.

Ce passage de prénom hébraïque en prénom français a concerné les juifs d'Algérie nés aux environ de 1900. On avait constaté la même chose en Alsace cent ans plus tôt, mon ancêtre Berlé s'était fait appeler Bernard.

Mardoché est né en 1908, et a reçu une éducation religieuse, il suivait le cours de "talmud torah" où on lui apprenait à lire l'hébreu. Hélas, il ne comprenait rien à ce qu'il lisait, et lorsqu'il avait l'imprudence de demander à son maître ce que cela voulait dire, il recevait un coup de livre de prière sur la tête sur la tête pour son insolence ! et ça, il ne l'acceptait pas. Mais le pire a été sa bar mitzva, (majorité religieuse), il a défilé dans les rues de Sidi Bel Abbès avec un rouleau de la torah sur les bras, avec de la "musique arabe" pour l'accompagner. Il a pris ce défilé pour l'humiliation de sa vie.

Donc il s'est fait appeller Marcel, un nom bien français et a gommé tout ce qui rappelait ses origines origines orientales. Comme beaucoup de juifs d'Algérie, il était plus français que les français, la circoncision n'était pas la brith mila comme on dit en hébreu, mais le baptème. La Bar mitzva, était la communion etc.. et à la radio, il n'y avait jamais de "musique arabe". Ses amis n'étaient pas nécessairement juifs, en particulier il aimait beaucoup Jo (Joseph) Ferandiz, un espagnol habitant Sidi Bel Abbès, il y avait beaucoup d'espagnol dans cette ville de l'Oranais, qui fut convoité longtemps par l'Espagne.

Voici donc le mariage d'Emile, en 1930, en présence de ses frères et soeurs, et de ses parents. On remarque que Joseph avait sensiblement amélioré sa situation matérielle, il avait à l'époque un beau magasin de vêtements à Siddi Bel Abbès.

La vie avant guerre avait ses bons côtés, et Marcel, mon beau père, était un jeune homme aimant le sport, le foot en particulier, et les sorties entre amis, j'ai retrouvé cette photo d'un voyage mémorable en autobus.

La guerre a surpris la famille Roubach, les vexations se sont multipliées, mais Marcel continuait à vivre comme il pouvait de son commerce, il avait de nombreux amis en particulier parmi des jeunes gens de son âge d'origine espagnole. Un jour un de ses amis, qui travaillait à la mairie de Siddi Bel Abbès l'a invité à venir le voir au bureau, et il lui a montré un tiroir plein d'étoile jaunes. La persécution des juifs devait s'aggraver, et on pouvait craindre le pire. Heureusement, très peu de jours après les américains ont débarqué, et la communauté a été sauvé.

Rapidement, l'armée française s'est reconstituée, et Marcel a été enrôlé. Comme il avait commencé sa vie en qualité d'apprenti boucher, il fut versé dans l'intendance, et avec un camion il est parti livrer la viande en première ligne, il nous a parlé longuement du Monte Casino, et comment les français ont réussi à bousculer les forces allemandes alors que les américains avaient échoué. En qualité de maître de la viande, il s'est fait de nombreux amis à l'époque en traversant la France. Un jour, son camion s'est fait arrêté par un soldat, qui a demandé à Marcel, où il allait et pourquoi, il a répondu "Je vais livrer la viande aux troupes à Belfort", le soldat lui a répondu, "les allemands seront sûrement très content du cadeau ! ".. ce fut une de ses dernières livraison, il a été démobilisé vers Belfort et a retrouvé son petit commerce, Suzanne son épouse, et Monique sa fille aînée à Siddi Bel Abbès.

Sur la photo, on voit Marcel et Suzanne née Lascar, Emile, Paul etc... 
au début des années 1950, photo prise à Siddi Bel Abbès,  où tous les frères Roubach vivaient, ils avaient tous des magasins où on vendait un peu tous les textiles, robes, costumes, tissus, bonneterie etc...

Après guerre sont nées Edith et Colette.... en 1962, comme tous les Algériens de nationalité française, la famille a du s'exiler, ils sont partis sans rien emporter, et espéraient pouvoir revenir, on les a appelé "rapatriés"... mais où était leur véritable patrie ?

Ils étaient des réfugiés, et la France les a accueilli comme elle a pu.
Toutefois, leur cadre, c'est à dire les affaires qu'ils avaient pu ramener de Siddi Bel Abbès, les meubles, la vaisselle, étaient dans un wagon de chemin de fer.
Le wagon est arrivé tout mouillé, on l'avait fait tremper dans la mer. Qui ? Marcel a toujours pensé que c'était "les fellagahs", c'est à dire des musulmans du port d'Oran, mais les dockers de Marseille, étaient souvent communistes, et détestaient ceux qu'ils appelaient les colons, et par pure méchanceté, avaient l'habitude de noyer les affaires des franco-algériens, obligés de se réfugier "en métropole", pays totalement inconnu pour la plupart d'entre eux.

Avec le peu de fond qu'il avait pu ramener, Marcel s'est acheté un magasin, à Dijon, Boulevard de la Trémouille, près de la Place de la République, mais il était mal placé, et au bout de très peu d'années, il a été obligé de le vendre, et a travaillé comme vendeur, métier où il excellait. Il avait bien 70 ans lorsqu'il a pris la retraite.

A Dijon, Marcel a fait de grandes choses, en particulier il a marié sa fille Edith avec Mivy, l'heureux créateur de ce site... En 2022 sa descendance est nombreuse ! il a eu trois enfants, sept petits enfants, dix neuf arrières petits enfants... et la génération suivante commence à pointer le bout de son nez.

Marcel et Suzanne se sont très vite intégrés en France, mais l'Algérie est toujours restée au fond de leur coeur. Ils sont enterrés au cimetière de Chenôves où ils ont fini leur vie.

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