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Intervention de Claude Rivline
Lors de la convention du CRIF

vendredi, 23-Déc-2011

 

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Le peuple juif est particulièrement armé pour tirer un parti positif de la mondialisation et, paradoxe surprenant, particulièrement menacé d’y perdre son identité, donc de disparaître comme culture humaine originale. Ces deux aspects s’expliquent respectivement par les racines bibliques qui déterminent ses spécificités, mais aussi par les évolutions sociologiques actuelles marquées par une assimilation rapide aux cultures environnantes, y compris au sein de l’Etat d’Israël.
 

 

rivelineLa mondialisation peut être décrite comme le triomphe du nomadisme sur la sédentarité, pour faire référence à l’affrontement archaïque associé à la naissance des nations, depuis l’agriculteur Caïn et le pâtre Abel dans la Bible jusqu’aux jumeaux Romulus et Remus dans la mythologie romaine.
Ce même affrontement s’observe partout  dans les entreprises industrielles et commerciales, entre fabricants et commerçants, et dans les Administrations publiques, entre  permanents et élus.

Or, le peuple hébreu, né chez les nomades mésopotamiens avec Abraham, va se sédentariser en Egypte avec Joseph fils de Jacob, puis se nomadiser dans le désert avec Moïse, pour enfin s’installer sur la terre de Canaan, mais en prenant soin de se renomadiser toutes les semaines le chabat, trois fois par an aux fêtes de pèlerinage, tous les sept ans lors de l’année chabbatique (la chemitah) et tous les cinquante ans pour le jubilé (le yovel)

Tout se passe comme si le Créateur avait assigné au peuple juif la mission d’assumer à la fois ces deux conditions, pour préparer les temps messianiques caractérisés par leur réconciliation définitive. Mais en attendant, les peuples étant répartis selon ce clivage et haïssant ceux du bord opposé, c’est la dure condition des Juifs que d’être traités d’apatrides, c’est-à-dire nomades par les antisémites européens, et de sionistes, c’est-à-dire sédentaires par leurs ennemisarabes, par vocation caravaniers.

S’ils observent les rites de la Torah, les Juifs sont en mesure de conserver une forte identité où qu’ils soient, au même titre que l’on dit que le musulman sunnite est chez lui partout, pour peu qu’il dispose de son Coran, de son tapis de prière et de sa théière. Mais le Juif qui se détourne de l’étude de sa tradition et des pratiques traditionnelles, qui n’en instruit pas ses enfants, voit l’atout que constitue son aptitude à s’adapter à tous les contextes se muer en un péril mortel pour son identité ancestrale, car il se noie dans un anonymat cosmopolite, comme c’est le cas actuellement pour un Juif européen ou américain sur deux, dit-on.

En Israël même, bien des observateurs s’alarment de constater qu’une large majorité des enfants ne reçoivent pas la moindre formation religieuse, et si les jours fériés sont inspirés des commandements bibliques, ils n’y sont pas spécialement attachés par ignorance de leurs origines. Devenirun pays comme un autre est une idée de plus en plus répandue chez les Israéliens comme chez les arabes, et le développement actuel de la mondialisation favorise ce mouvement d’idées.

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Intenvention de Ryvon Krieger

 

cSept minutes pour saisir les grands défis de la communauté juive de France, autant vouloir créer le monde en 7 jours ! C’est un défi en soi, sinon une gageure. Allons donc droit au but, au risque d’être un peu brutal. dresser d’abord un bilan général, je suis d’avis que la communauté juive de France n’a pas à rougir de sa situation, en tout cas en comparaison à ce qui se passe en plein d’autres endroits de la diaspora, où la vie juive est en pleine déliquescence. Globalement, même si de grandes institutions connaissent des tensions (et je m’abstiendrai de m’immiscer dans les querelles internes), on doit se féliciter du formidable dynamisme de nombreux organismes et associations dont la vitalité est due à la qualité de certains professionnels et au dévouement exceptionnel de nombreux bénévoles de l’ombre. Je n’en donnerai qu’un trop bref et trop partiel aperçu, mais emblématique.

Mesurons le rôle novateur que remplit désormais Akadem, le Campus numérique juif qui diffuse en audio ou vidéo des conférences et magazines sur les sujets les plus variés de la vie juive. Il se déploie jusque dans les foyers lointains de la province. Il permet à des juifs assimilés ou laissés pour compte d’avoir une vision diversifiée de la communauté et de ses expressions culturelles. Il donne à des personnes qui ne sont pas seulement juives d’entendre ce que notre communauté peut produire de pensée, de culture et de sensibilité. Et là où le dialogue entre juifs est absent, voire impossible, embourbé dans des préjugés, des interdits et anathèmes, il s’impose au moins, a minima, par juxtaposition des divers courants d’opinion et de conviction. Sur le paradigme qu’Akadem représente, j’aimerais fonder le cœur de mon argumentation. Car on doit y voir, à mon humble avis, la voie dans laquelle la communauté juive de France doit s’engager résolument.

Ce défi, j’aimerais le figurer à partir d’une formule cinglante que nous devons au rabbin Léon Askénazi, « Manitou », dont j’ai été moi-même un élève proche. Voici ce qu’il déclarait dans le magazine Information juive (avril 1993), avec l’humour qu’on lui connaissait :

« Tout juif est juif, même les juifs pieux et y compris les juifs ¬non-sionistes, les juifs enrhumés et les juifs philatélistes… »

Mieux intégrer la pluralité est la clef ! Il convient en effet de se souvenir qu’une grande partie des juifs de France, et de la jeunesse en particulier, est en totale déshérence par rapport à leur identité juive. Il y a un tas de raisons à cette dilution (que je ne peux énumérer ici). La plus évidente mais contre laquelle il n’est pas question de lutter, c’est que dans une société ouverte et démocratique, les choix des individus ne sont plus dictés par le clan ou la famille mais selon les choix d’intérêt ou de conscience.

Et là-dessus se greffe le fait qu’il est objectivement difficile de vivre au rythme et à l’heure du judaïsme, en tant que minorité, dans une société qui vous happe sans cesse, tant sur un plan culturel que professionnel, pour le meilleur et pour le pire. Autrement dit, si l’on veut lutter efficacement contre cette déperdition centrifuge, c’est sur nous, responsables communautaires, que pèse la charge de nous montrer convaincants et inventifs, de démultiplier les efforts pour rendre la vie juive plus stimulante et plus inclusive.

Ce n’est pas avec la bonne vieille culpabilisation et la mise au ban des couples mixtes et de leurs enfants, hors des synagogues et des écoles juives, que l’on y parviendra ! Et ce n’est pas non plus, en cherchant à imposer une forme unique de judaïsme, qui plus est de plus en plus radicale, hors de laquelle il n’y aurait point de salut. Ne pas avoir compris cela, comme c’est hélas encore souvent le cas, est tout simplement un désastre. C’est se tirer une balle dans le pied. On érige soi-disant une grande muraille pour former un rempart contre l’assimilation et, la vue masquée, on ne voit pas que plein de juifs sont au dehors et qu’ils ne peuvent rentrer chez eux à cause de cette forteresse, pour ne pas dire un château digne de Kafka !

On observe d’après certaines études sociologiques une polarisation inquiétante de la communauté juive. D’un côté la déshérence grandissante dont je parlais, de l’autre, une tendance à la radicalisation identitaire. Il est dans l’air du temps, dans cette génération en perte de repères – et pas seulement chez les juifs – de nourrir une fascination pour les identités pures et dures… Chez nous, c’est ce que l’on appelle la vague de « retour » à la religion qui s’accompagne bien souvent d’une crispation identitaire, d’une intransigeance mentale, affective et intellectuelle, réfractaire aux idées républicaines des Lumières qui ont fondé les vraies démocraties.

Au final, des idées chères encore à de nombreux juifs que sont le dialogue et le respect des autres identités, cultures et religions, l’égalité des sexes, l’engagement dans la cité, la prise en compte des acquis des découvertes modernes et des méthodes universitaires dans la pensée juive, autant d’idées-phares jadis défendues par la Haskala, sont battues en brèche, sous couvert de l’autorité d’une interprétation radicale de la Halakha comme d’autres ailleurs invoquent la Charia immuable. Comprenez que ce n’est pas une question purement intellectuelle. Pour rester juif aujourd’hui, il faut aimer et désirer ardemment l’être. Et cela n’est le cas que si l’on y trouve une richesse exaltante et non un carcan où vous vous sentez déjugés ou incompris. Il faut urgemment sortir de la logique binaire. Quand de jeunes juifs se sentent sommés de choisir leur clan entre ces deux pôles, ghetto ou assimilation – pour faire simple…– beaucoup d’entre eux votent avec leurs pieds, comme on dit, et même sur la pointe des pieds : ils disparaissaient du champ de la vie juive, car tout simplement, ils ne s’y retrouvent pas.